17 octobre 2024

Sections départementales

Garder le cap !?

Déclaration liminaire de la FSU au CSA-SD du 17 octobre 2024

Garder le cap… jusqu’au naufrage ?

« Le navire garde le cap ». C’est avec ces mots que la nouvelle MEN a annoncé sa ligne politique lors de sa prise de fonction. On comprend bien que la 6e ministre en 2 ans et demi cherche dans la métaphore maritime à donner des gages de stabilité. Cependant, pour les personnels, c’est bien évidemment l’image du Titanic qui vient à l’esprit ! Avec l’annonce du pire budget austéritaire de la Vème République, s’entendre confirmer que l’Education nationale va heurter l’iceberg encore plus vite que prévu n’est pas exactement un message de nature à rassurer et à motiver !

« Garder le cap » pour le gouvernement, c’est donc poursuivre les suppressions de postes et ne prévoir aucune mesure de revalorisation salariale. Dans une Ecole en crise, qui n’arrive pas à recruter et à mettre un professeur devant chaque classe à la rentrée et tout au long de l’année, qui a les classes les plus chargées d’Europe sur le niveau collège, l’annonce du projet de budget est une provocation tout autant qu’une décision irresponsable qui sacrifie l’avenir. Non seulement l’École continue de subir les effets d’une grave crise du recrutement que les pseudo revalorisations - inférieures à l’inflation - n’ont pas réglé (encore plus de 1000 postes n’ont pas été pourvus dans le 2d degré cette année), mais il faut aussi compter avec les près de 9000 emplois d’enseignantes supprimés dans les collèges et lycées publics depuis 7 ans alors que le nombre d’élèves augmentait. L’argument de la baisse démographique n’est pas recevable puisque, que les effectifs augmentent ou qu’ils baissent, on supprime des postes de toute façon. Si l’on remonte à 2006, ce sont 27 600 emplois en moins pour 158 000 élèves en plus ! En revanche, le gouvernement fait le choix de préserver le SNU, gadget coûteux et révélateur de la volonté de mettre la jeunesse au pas. Des millions, voire des milliards pour le SNU, pour les uniformes, pour le Pacte (qui n’est pas de la revalorisation) et des suppressions de postes d’enseignants, les choix sont clairs !

Bien évidemment, pour les personnels et les élèves, c’est une dégradation continue des conditions de travail et d’enseignement. Sur le terrain, le navire prend l’eau de toutes parts. Il manquait des professeurs dans plus de la moitié des établissements à la rentrée. En Ardèche, c’était le cas à Villeneuve de Berg, St Cirgues en Montagne, Aubenas (Roqua, Gimond), Le Pouzin, La Voulte, Le Cheylard, Chomérac, Tournon (Marius Bouvier), pour ne citer que quelques établissements. En cours d’année, la norme devient celle du non remplacement des collègues en arrêt maladie, quelle qu’en soit la durée. La multiplication des offres d’emplois, jusque dans la presse, témoigne des difficultés à recruter des contractuels, peu ou pas formés et placés dans des situations difficilement tenables (comment qualifier un poste partagé sur plusieurs établissements pour un collègue sans véhicule, avec pas moins de 6 niveaux différents de la 6e à la terminale ?). Face aux cours non assurés, les pressions (légitimes) des parents se font de plus en plus fortes et pèsent parfois lourdement sur les collègues. Les réponses de l’institution qui tendent à tenir les enseignantes comptables de la situation contribuent à dégrader le climat au sein des établissements : directions obnubilées par leurs taux d’absentéisme et de remplacement, pressions pour faire accepter des HS ou des RCD, formation continue de plus en plus souvent en dehors du temps de service, refus d’autorisation d’absences pour raisons syndicales, etc. Les RCD dans le cadre du Pacte relèvent par ailleurs d’un non-sens pédagogique (lorsque c’est le prof d’anglais qui remplace le prof de math absent depuis la rentrée…) et ne servent qu’à masquer tant bien que mal les carences.

A ces difficultés structurelles, résultat d’orientations politiques et budgétaires de plus en plus déséquilibrées en faveur des plus riches, des entreprises et de leurs actionnaires, s’ajoutent celles soulevées par la réforme du choc des savoirs au collège. La volonté, par le fait du prince, d’imposer des groupes de niveaux - vite rebaptisés groupes de « besoins » devant le tollé suscité par le fait de trier et de séparer les élèves - désorganise profondément les collèges et soulève de multiples difficultés. L’éclatement du groupe classe dès la 6e isole professeurs et élèves et met à mal le travail en équipe, la conduite de projet. Il sape la capacité de suivi des élèves - des collègues sont professeurs principaux en ne connaissant qu’une partie de leurs élèves. La mise en barrettes des heures de maths et de français contraint très fortement les emplois du temps. Imposée sans moyens, la constitution des groupes se fait au détriment des autres dispositifs, jusqu’à provoquer parfois des classes surchargées dans les autres matières ou des aménagements ingérables (ex : une classe de 3 niveaux en LV2 imposée à une collègue en service partagé). Ce travail de sape méthodique des conditions d’enseignement ne peut que susciter colère, découragement et accélérer le sentiment de perte de sens du métier qui était déjà bien présent chez les enseignantes.

En désorganisant ainsi, en demandant toujours plus sans moyens, en maltraitant les personnels, on dégrade leur bien-être au travail, jusqu’à mettre en péril leur santé (l’augmentation des arrêts maladies et des temps partiels thérapeutiques en témoigne). On renforce également les tensions entre les personnels de direction et les équipes éducatives. Les difficultés des PERDIR à assurer le bon fonctionnement des établissements dans des conditions de plus en plus complexes (pour eux aussi), se traduisent trop souvent par un management autoritaire ou toxique. Nous nous alarmons de l’augmentation du nombre d’équipes en souffrance du fait de relations dégradées avec leur direction. C’était le cas notamment à Bourg Saint Andéol, La Voulte sur Rhône, Les Vans, Vernoux, voire Saint Agrève l’an dernier. Face à de telles situations, il nous semble essentiel que l’administration se préoccupe activement de la prévention des risques psycho-sociaux. Cela passe en premier lieu par la prise au sérieux des difficultés exprimées qu’elles soient individuelles ou collectives, et ensuite, par la mise en œuvre de mesures pour y répondre (médiations, attention aux situations individuelles, bienveillance, etc.). Nous rappelons que la santé des personnels sur leur lieu de travail relève de la responsabilité de l’employeur.

Dans le navire de l’Éducation nationale, à l’instar du Titanic, il y a des passagers de 3e classe. Ce sont les AED. Leur situation est emblématique de la façon dont l’institution maltraite ses agents. D’abord, pour celles et ceux en CDD, qui se retrouvent à chaque fin d’année sur un véritable siège éjectable. Le chef d’établissement, qui n’est pas contraint de donner un motif au non-renouvellement, a ainsi les mains libres de moduler son équipe de vie scolaire comme bon lui semble. L’arbitraire étant de rigueur, il n’est pas rare que des AED jugées « trop » absentes ou « dérangeantes » se voient ainsi poussées vers la sortie en fin d’année quand bien même aucun manquement professionnel n’a été établi. Rappelons-le, le renouvellement pendant 6 ans de contrats en CDD est contraire aux principes du droit du travail.

N’allons pas croire pour autant que la CDIsation des AED, acquise de haute lutte, soit en voie de résoudre la précarité de ces dernieres. Après 6 années de CDD, l’accès au CDI reste en effet semé d’embûches. Il est non seulement conditionné à l’aval du chef d’établissement, mais également au respect d’un obscur quota entre CDD et CDI au sein de chaque vie scolaire. Le cas de Sophie et Rémy du collège B. de Ventadour à Privas est emblématique du mépris institutionnel et de l’inéquité dans lequel sont tenus les AED. Malgré l’avis favorable du chef d’établissement, ils n’ont pas pu être CDIsés, à la différence de leurs collègues des années précédentes. Ni la demande du chef d’établissement, ni la mobilisation de l’ensemble de l’équipe éducative, ni la venue du Directeur Académique n’auront permis de trouver une solution en leur faveur... Cette situation est amenée à se reproduire à chaque fin d’année scolaire en l’absence d’une clarification de la CDIsation par le Rectorat. On s’en souvient, dans le Titanic, il n’y avait pas de place pour tous les passagers dans les bateaux de sauvetage.

Alors même qu’ils et elles ont déjà été rudement malmené-es par l’institution, ces personnels ne sont toujours pas au bout de leurs peines. Il leur faut encore entamer un véritable parcours du combattant pour obtenir une attestation de travail en bonne et due forme. Plus d’un mois après la fin de leur contrat, plusieurs AED du département attendent toujours ce document pourtant indispensable pour percevoir des indemnités chômage auprès de France Travail. Il ne s’agit pas d’accuser des personnels administratifs confrontés au sous-effectif chronique et aux mêmes problèmes de gestion des contractuels, mais au contraire de dénoncer la casse du service public d’éducation par les politiques d’austérité qui dégradent les conditions de travail mais aussi tout simplement de vie de ces personnels.

Pour conclure si de plus en plus d’enseignants songent à quitter le navire, nous sommes nous toujours autant déterminés à améliorer les conditions d’enseignements et de travail de toutes. Notre orchestre jouera jusqu’au bout même si notre petite musique agace les défenseurs d’une école à deux vitesses. Nous continuerons, car nous croyons qu’un collège public, égalitaire, bien doté et émancipateur est l’une des solutions pour éviter les abysses à une jeunesse déjà meurtrie par les crises économiques, sanitaires, écologiques et guerrières.