23 janvier 2019

Nos métiers

Votre semaine de travail vous semble de plus en plus chargée ?

Ce n’est pas qu’une impression...

La dégradation des conditions de travail se lit au travers des indicateurs chiffrés du New Public Management.

Au delà du cynisme des gestionnaires qui pilotent à grands coups de tableurs notre institution,
il y a des des personnels qui cherchent tant bien que mal à faire leur travail tels qu’ils le conçoivent, avec ce professionnalisme exigeant et cette conscience professionnelle si caractéristiques de nos métiers.

« Oui, mais voila, c’est bien beau vos revendications de meilleures conditions de travail, mais le gouvernement a donné des objectifs de gestion, moins de fonctionnaires, donc moins de profs, alors au boulot ! »

Ainsi, d’une décision budgétaire au sommet, les gestionnaires du ministère déroulent leurs tableaux de bord, leurs indicateurs, et répartissent ici et là la pénurie, un peu dans cette académie-ci, un peu dans celle-là...

Interviennent ensuite les gestionnaires du rectorat, qui ont eux aussi de puissants tableurs, et répartissent un peu dans ce lycée, un peu moins dans ce collège...

Les dotations arrivent enfin dans les établissements, et le chef bienveillant répartira alors la pénurie entre les disciplines et les classes, en tentant d’obtenir le consentement compréhensif de ceux qui devront faire avec à la rentrée prochaine : les enseignants.

Oui, mais à force de consentir, cela se dégrade sérieusement.

Sur le terrain, les classes de chaque collègue se remplissent, elles se multiplient, et les heures de cours augmentent imperceptiblement d’année en année.

Non, ce n’est pas qu’une impression, tout cela existe bien et les chiffres fournis par nos gestionnaires à chaque Comité Technique Académique le montrent bien :

Premier indicateur, le H/e

C’est l’indicateur favori de nos gestionnaires, base de toute discussion ou négociation. C’est le nombre total d’heures de cours hebdomadaires de l’établissement divisé par le nombre d’élèves. Il n’a pas réellement de sens, mais il révèle le taux d’encadrement.

S’il baisse, c’est le signe

  • que le nombre d’élève par classe augmente donc que vous aurez plus de copies à corriger, plus d’élèves à gérer...
  • et/ou que suite à une réforme, le nombre d’heure de cours des élèves diminue. Donc que vous aurez plus de classe car votre service hebdomadaire lui, ne diminuera pas !

Et depuis 10 ans, la moyenne académique baisse !
Le graphique témoigne que les politiques menées ces dernières années depuis Sarkozy ont toutes eu pour objectif commun la baisse du taux d’encadrement : réforme du lycée Chatel, réforme du collège Vallaud-Belkacem, réforme du lycée Blanquer.

Alors, oui, M. le gestionnaire, vous nous direz « Il passe de 1.48 à 1.40, ce n’est tout de même pas grand chose... »
Certes, mais ça fait environ 7%, ce qui peut se traduire par une augmentation de la charge de travail de 7% pour les enseignants (que ce soit par l’augmentation du nombre d’élève par classe ou de classes à charge)

Deuxième indicateur, le pourcentage d’HSA

C’est le pourcentage des heures supplémentaires années (HSA) dans la dotation horaire globale. Pour faire les cours d’une semaine type, le rectorat dote l’établissement d’heures poste (c’est à dire de profs) et d’heures supplémentaires à répartir sur ces postes. Dès la prévision de janvier, il est donc prévu qu’un certain nombre de cours devront avoir lieu payés en HSA.
Ce pourcentage est donc la part (moyenne) d’heure supplémentaire dans le service des collègues de l’établissement.

Si il augmente, cela veut dire que vous allez faire plus d’heures de cours, donc que vous aurez plus de classe, plus de copies à corriger, plus d’élèves à gérer...

Et depuis 10 ans, il a augmenté ! La moyenne académique est passée de 8 à 11%. Le graphique témoigne clairement des différentes politiques budgétaires menées ces dernières années, fort accroissement avec Sarkozy et ses suppressions de postes, abaissement sensible (sans pour autant revenir au niveau de 2008) puis stabilisation du taux lorsque les recrutements de Hollande arrivent en 2014, et nouvel accroissement avec les nouvelles suppressions de Macron depuis 2017.

Cela signifie que 11% de la totalité des heures de cours en lycée de l’académie de Grenoble sont désormais effectués en heures supplémentaires !! Plus de 11000 heures de cours, 650 emplois de professeurs certifiés !

Cet indicateur peut être remplacé par un autre (mais les gestionnaires ne l’aiment pas !) qui intéressera davantage le collègue qui va se retrouver dans l’obligation d’assurer ces heures supplémentaires :

C’est le ratio nombre d’HSA sur nombre d’heures poste qui lui indique le surcroît de travail pour les enseignants. Traduit en nombre moyen d’heures supplémentaires à faire par profs (calculé ici sur la base d’un service de 18h), cela permet de se rendre compte de l’évolution de notre charge de travail.

En 10 ans, cette charge moyenne est passée de 1.6 HSA à 2.26.

Là encore, vu depuis la tour de contrôle du gestionnaire, pas de quoi fouetter un chat !

Mais ce n’est pas anodin, car il s’agit d’une moyenne pour les plus de 5000 profs de lycée de l’académie. Cela signifie que le nombre de collègues qui font 3h supplémentaires sont légions. C’est généralement une classe de plus, et ça n’est pas négligeable dans une semaine de travail.

Aussi, pour ne plus voir cette charge de travail s’alourdir discrètement d’année en année, il va vraiment falloir nous mobiliser collectivement et dire STOP !