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L’accompagnement éducatif s’est mis en place à la rentrée dans les établissements de l’Éducation Prioritaire, et devrait être étendu à l’ensemble des collèges pour 2008. Ce dispositif financé en HSE, dont le principal objectif est de « prendre en charge les élèves après les cours », prévoit trois types d’activités : du soutien scolaire, des activités sportives et des activités artistiques et culturelles. Il concerne une trentaine d’établissements dans le département. Des moyens considérables sont dégagés par le rectorat , certaines enveloppes correspondant en effet à la dotation dont dispose un établissement pour faire "tourner" une classe. Ceci n’est pas sans soulever un certain nombre de questions.
Sur la forme :
Tout d’abord, ces dotations ne reposent souvent sur aucun projet préalablement discuté et construit par les équipes éducatives ; il arrive même que les parents d’élèves soient informés du dispositif avant les personnels du collège ! Or les modalités de cet accompagnement doivent être présentées au CA et jointes au projet d’établissement. Encore une fois, l’ordre est donné d’inventer des dispositifs, non pas en fonction du travail et de la situation locale, mais pour répondre à un effet d’annonce ministérielle et présidentielle.
Ensuite, sa mise en place a été décidée dans la précipitation, pendant l’été, sans aucune réflexion sur les horaires, les transports scolaires et les équipements nécessaires.
D’autre part comment expliquer cette manne soudaine alors que rectorat et ministère passent leur temps à nous expliquer que les caisses sont vides et qu’il faut faire avec les moyens du bord, moyens qui diminuent d’ailleurs régulièrement ? Enfin, quand l’effet d’annonce et la phase « promotionnelle » voulue par Sarkozy seront passés, quand il faudra généraliser le dispositif à tous les établissements, quand il faudra financer d’autres effet d’annonce... qu’adviendra-t-il des moyens ? Quelle pérennité des actions mises en place ?
Ce n’est pas grave on commencera par expliquer aux collègues qu’ils ne sont finalement payés qu’une heure pour deux heures faites et que franchement l’intérêt des élèves et la pression des familles valent bien un petit effort ! Et finalement on culpabilisera celles et ceux qui ne souhaitent pas consacrer leurs soirées au bénévolat dans l’éducation nationale...
Sur le fond :
Le concept de l’accompagnement éducatif, qui répond à une forte demande sociale, peut paraître, de prime abord, séduisant. En effet, que l’éducation nationale se donne enfin les moyens de réduire un peu les inégalités en offrant à toutes et tous un encadrement péri-scolaire, est une idée intéressante. Cependant quand on contextualise un peu ce qui est mis en place par le ministère, le tableau s’assombrit nettement. Évidemment, on pourra nous reprocher de crier au loup, mais l’expérience montre malheureusement que lorsque l’on prédit le pire, il s’avère deux ou trois ans après que nous étions en dessous de la réalité.
Tout d’abord ce dispositif s’inscrit dans une logique mise en place par depuis quelques années : l’individualisation et la médicalisation pour remettre en cause toute approche sociale et collective des difficultés. En effet si le problème est individuel il ne sert plus à rien d’alléger les effectifs, de réfléchir à des organisations alternatives de l’enseignement, de modifier les conditions collectives de travail... Si l’individu est responsable, car malade par exemple, la collectivité peut renvoyer la responsabilité de la situation sur lui et sa famille. Il « suffit »de décréter la mise en place de PPRE, d’aide aux devoirs, de renvoyer aux orthophonistes ou pédopsychiatres, tout ceci étant censé pallier les conditions de travail dégradées. Or nous nous rendons compte au quotidien que l’un ne peut aller sans l’autre. Il est parfaitement légitime de fournir toute l’aide nécessaire à un élève qui a des difficultés particulières, que ce soit de façon permanente (dyslexie, problèmes médicaux...), ou de façon temporaire (difficultés familiales...). Mais il est aussi évident que ces difficultés rejaillissent souvent sur le groupe (la classe, l’établissement) et qu’un élément perturbé ou perturbateur bénéficiera d’un meilleur suivi individuel, tout en évitant que le groupe pâtisse de son comportement, avec un effectif réduit. Or les mesures collectives (pas plus de 20 élèves par classe, 15 pour les établissements difficiles ; dédoublement de la moitié des heures de cours dans toutes les matières...) coûtent bien plus chères que de renvoyer élève, famille et enseignants (pas ou peu formés sur ces questions par ailleurs) à une recherche individuelle de solutions qui sont bien souvent décevantes pour tout le monde et charge supplémentaire de travail pour les enseignants, bénévole bien entendu !
D’autre part ce dispositif s’inscrit dans une période où les moyens sont réduits tous azimuts et où la charge de travail des personnels augmente. Dans ce contexte, comment peut-on tolérer des heures supplémentaires alors que des milliers de postes sont supprimés ces dernières années. Après avoir rogné sur les horaires disciplinaires, les dédoublements, les options, les décharges..., le ministère affiche ouvertement l’objectif d’une réduction des horaires des élèves. L’accompagnement éducatif permettra d’externaliser les enseignements artistiques et l’EPS sous le vocable de « pratique artistique et culturelle » ou « pratique sportive », ce pourrait être le prélude à l’éviction de l’EPS, des Arts plastiques et de l’éducation musicale des horaires nationaux..
et « notre » ministre semble convaincu qu’un éducateur sportif ou un professeur d’école de musique peuvent aussi bien faire l’affaire qu’un enseignant. On note-là tout le mépris et la méconnaissance de l’enseignement de ces disciplines !
Il s’agit aussi de faire un écran de fumée pour ne pas donner aux usagers du service public d’éducation l’impression que l’état se désengage de ses missions et que les conditions se dégradent. En effet, quel sens a l’accompagnement éducatif quand un collège comme celui de Villeneuve à Grenoble a perdu 1 poste de CPE sur les deux qu’il avait et n’a plus qu’une assistante sociale à mi-temps au lieu d’un plein temps.
La circulaire propose qu’en l’absence d’enseignants volontaires, cet accompagnement soit fait par des étudiants ou des associations. Concernant les intervenants extérieurs, il n’existe, à l’heure actuelle , aucun cadrage en terme d’habilitation à intervenir. Il faut être vigilant sur ces questions lorsque les dispositifs sont présentés en conseil d’administration et éviter que telle ou telle association, se serve de ce biais pour faire du prosélytisme dans les établissements scolaires.
On peut aussi se demander dans quelle mesure il n’y a pas l’objectif insidieux d’alimenter l’idée que certaines taches d’enseignement pourraient être confiées à d’autres personnes, moins qualifiées, et donc que l’on pourrait réduire largement le nombre d’enseignants en embauchant quelques personnes moins formées (et donc moins payées) pour prendre en charge des séances d’exercices ou autre..
Le SNES demande que le soutien scolaire soit intégré dans le service des enseignants (soutien et approfondissement sont des actes pédagogiques). De même il est favorable à la mise en place de structures d’accueil et d’accompagnement scolaire des élèves en dehors du temps scolaire. Mais cela ne peut se substituer aux activités en classe ni se mettre en place par redéploiement des moyens et augmentation de la charge de travail.