L’éducation à la sexualité (EAS) est une nécessité. Mais elle fait fréquemment l’objet de campagnes de diffamation contre lesquelles le SNES FSU lutte au quotidien.
Depuis 2001, chaque élève de collège et lycée doit participer à trois séances annuelles, encadrées par des professeur.es formé.es ou des intervenant.es extérieur.es agréé.es. En primaire, cet enseignement doit également être intégré aux programmes.
Pourtant, une partie des élèves n’en bénéficient pas malgré le cadre légal (une étude du Haut conseil de l’égalité entre les femmes et les hommes chiffre à 25% les établissements qui ne proposent pas de séance d’éducation à la sexualité). Pour ceux qui y ont accès, on est bien loin des 3 séances annuelles avec souvent une unique séance en CM1 ou CM2 puis 4e ou 3e et enfin en 2de.
L’EAS est l’objet de multiples attaques de la part de figures politiques ou de collectifs qui l’associent à un danger majeur pour les élèves, consciemment mis en œuvre.
Revenons d’abord sur l’histoire de cette démarche pédagogique et les objectifs visés 1.
En France, l’expression « éducation sexuelle » apparaît en 1914. Elle est alors employée dans une vision d’hygiénisme conjugal puisqu’il est question de préserver l’innocence des filles, de les préparer à la maternité et d’éviter les maladies sexuellement transmissibles. Il faut attendre 1947 pour qu’un comité chargé « d’étudier dans quelle mesure et sous quelle forme l’éducation sexuelle peut être donnée dans les établissements d’enseignement » soit créé. Il s’agit alors d’éviter que les « enfants et adolescents s’instruisent entre eux de la façon la moins morale et la plus malfaisante » (extraits du rapport du comité, 1948). L’aménagement proposé par le comité des programmes de sciences naturelles restera lettre morte.
25 ans plus tard, le "Conseil supérieur de l’information sexuelle, de la régulation des naissances et de l’éducation familiale" voit le jour (la libération sexuelle de mai 68 est passée par là). Il fait le constat que les modes de vie ont évolué et qu’il n’est plus souhaitable de tenir les enfants et adolescents à l’écart de la sexualité. La circulaire Fontanet (ministre de l’éducation nationale) du 23 juillet 1973 prévoit donc de dispenser une information sexuelle à tous les élèves. Cette information sexuelle doit être aux programmes de biologie : étude du corps humain, de son évolution, de la reproduction. La circulaire évoque également une éducation à la sexualité mais qui reste facultative. L’objectif est alors que les adolescents puissent faire des « choix raisonnés dans leur conception de la vie personnelle, de la relation à autrui ». Cette information et cette éducation sexuelle entrent en vigueur le 1er janvier 1974. Des critiques se font entendre de la part de ceux qui souhaitent que le sujet reste en famille. La circulaire restant très floue sur les modalités de mise en œuvre et les enseignants n’étant pas formés, l’éducation à la sexualité est très rarement dispensée.
Une nouvelle étape est franchie en novembre 1998 : la circulaire qui porte le titre « Éducation à la sexualité et prévention du sida » remplace la circulaire de 1973. Elle répond à des questions de santé publique (liées notamment à l’apparition du sida dans les années 1980) tout en apportant des éléments de définition plus précis de la sexualité : en plus de l’aspect biologique sont ajouté d’autres champs (social, psychologique, affectif, culturel et moral). Des notions qui nous sont familières apparaissent alors : tolérance, liberté, respect de soi et d’autrui, stéréotypes.
Enfin, la loi de 2001 rend obligatoire une information et une éducation sexuelles dans les écoles, les collèges et les lycées lors d’au moins trois séances annuelles. Elle répond à un double objectif de santé publique (grossesses précoces non désirées, infections sexuellement transmissibles, dont le VIH/sida) mais également sociétal avec des problématiques concernant les relations entre garçons et filles, les violences sexuelles, la pornographie ou encore la lutte contre les préjugés sexistes ou homophobes.
Comment ne pas être en accord avec les différents objectifs énoncés ci-dessus ?
Evidemment, qui pourrait affirmer haut et fort être favorable aux violences sexuelles ou à l’homophobie ? Les arguments utilisés lors des campagnes de désinformation par les détracteurs et détractrices de l’EAS sont bien plus vicieux.
Selon eux, les professeur.es et intervenant.es apprennent aux enfants de 0 à 4ans à se masturber 2, des images pornographiques 3 sont diffusées en classe, les programmes sont dispensés sans prise en compte de l’âge des élèves dans le but de les choquer 3 et d’en faire de la « chaire à pédophile » 4 (selon certains collectifs, la pédophilie aurait d’ailleurs été légalisée dans le monde par le rapport de l’OMS appelé « Standards pour l’éducation sexuelle en Europe » publié en 2010 5) etc. Ces propos sont accompagnés de brochures qui seraient distribuées aux élèves mais la source n’est pas précisée ni la manière dont ils et elles se sont procuré.es le document allant même jusqu’à mentir quant au public concerné dans l’espoir de susciter l’indignation 6. On ne s’embarrasse pas avec l’esprit critique ni avec les faits, ce qui compte c’est que l’information choque !
Comme défini plus haut (depuis la circulaire de 1998), la sexualité ne se résume pas au sexe ou aux pratiques sexuelles. Le sexe n’est qu’un des composants du champ biologique qui est lui-même un des trois aspects de la sexualité avec le champ psycho-affectif (confiance en soi, relation aux autres, sentiments, émotions) et le champ social (rôle des stéréotypes, lois, valeurs, prévention contre les violences). Les séances sont adaptées à chaque niveau, donc à chaque âge, et il n’y a pas de dimension sexuelle stricto sensu en primaire. Les thématiques étudiées en primaire sont par exemple les différentes parties du corps, l’intimité, l’égalité filles-garçons et au collège, le consentement, les maladies sexuellement transmissibles etc.
Lors de ces séances, les professeur.es ou intervenant.es dialoguent avec les élèves à propos des normes sociales dominantes à travers les stéréotypes (rôles genrés, orientation sexuelle, représentation du couple etc.). Parler librement de ces sujets permet de normaliser des comportements existants qui ne sont pas majoritaires et par là, favorise la tolérance et le vivre ensemble. Par exemple, ce n’est pas parce qu’une pratique amoureuse est dominante numériquement (l’hétérosexualité) qu’elle est la seule légitime. Parler avec les élèves d’homosexualité n’influence pas leur orientation sexuelle : on ne choisit pas ce que l’on ressent ! 7
Le socle de valeurs et l’identité des opposant.es de l’EAS doit être bien fragile pour craindre une société dans laquelle chaque individu peut faire ses propres choix de manière éclairée, où chaque personne a sa place, quel que soit son genre ou son orientation sexuelle. Peut-être ne savent-ils pas que l’homosexualité n’est pas une maladie ? Peut-être sont-ils favorables aux grossesses précoces non désirées ou à la diffusion des IST et MST ?
Par leur propagande et leur diffamation, les « anti-éducation à la sexualité » assument une position dangereuse.
Ils et elles refusent que les enfants et adolescent.es aient accès à des informations objectives, scientifiques et délivrées sans jugement. Ces personnes leur refusent le droit de réfléchir par eux-même, de poser des limites et de parler des situations de violence qu’ils peuvent vivre.
Croire que les enfants et adolescents seraient préservés par le silence est un vœu pieu et dangereux. On sait que dès 12 ans, plus de la moitié des garçons se rendent sur des sites de pornographie chaque mois (selon une étude de l’Arcom publiée en mai 2023). On sait que les enfants sont victimes de violences sexuelles : toutes les 3 minutes en France, un enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle. Cela représente 160 000 enfants par an. On sait également que le nombre de crimes et délits contre les personnes LGBTQI+ a augmenté de 19% en 2023 (chiffre du ministère de l’intérieur).
Le silence sur les questions de sexualité est l’allié de l’isolement, de la violence et donc des agresseurs. Vouloir circonscrire cet enseignement au cercle familiale c’est s’assurer que les violences se perpétuent.
Alors, pour protéger nos élèves, luttons pour que tou.tes aient accès aux 3 séances annuelles d’éducation à la sexualité !
1 Véronique Poutrain, « L’évolution de l’éducation à la sexualité dans les établissements scolaires », Éducation et socialisation, mis en ligne le 09 octobre 2014.
2 Pauline Moullot, « CheckNews – Est-il vrai que l’OMS impose des cours d’éducation sexuelle avant 4ans ? », libération.fr, août 2018.
3 Propos extraits du colloque « Les enfants, cible numéro 1 des attaques du totalitarisme mondial : retour sur le colloque du 13 mai 2023 » via le site Onest-alternative.org.
4 Propos extraits d’une vidéo partagée sur la page Facebook « Les ptits cœurs blancs » le 4 octobre 2024.
5 Propos extraits du site des Parents en colère (rubrique « boite à outils », « éducation à la vie sexuelle et affective »).
6 Service Checknews, « Non, les CE1 et CE2 ne vont pas étudier un livre sur la pénétration anale et vaginale », libération.fr, août 2019.
7 Voir Derwell Queffelec, « L’homosexualité est-elle un choix ? », radiofrance.fr, octobre 2019.
Pour aller plus loin :
Régis Revenin, « Education et sexualité. De la répression à l’institutionnalisation ? », Encyclopédie d’histoire numérique de l’Europe.
« Campagne nationale de lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants », Dossier de presse, 12 septembre 2023.