Ce Conseil Départemental de l’Éducation Nationale a duré 4 heures et demi, dont les deux tiers ont été consacrés à la carte scolaire du 1er degré public ardéchois. Au cours des débats concernant le second degré, le SNES-FSU a une nouvelle fois dénoncé une réforme dangereuse pour les élèves, qui menace de mettre en grande difficulté les enseignants sommés de révolutionner l’ensemble de leurs pratiques pour la rentrée 2016. La déclaration liminaire de la FSU (texte intégral ci-dessous) revient aussi sur la dérive sécuritaire du gouvernement ainsi que sur le pont d’or fait à l’enseignement privé confessionnel ardéchois à travers les réformes en cours.
Ce CDEN s’ouvre alors que des appels à la grève de syndicats de la fonction publique, dont ceux de notre fédération, ont conduit dans la rue nombre de nos collègues la semaine dernière. Pour le second degré, le nombre de grévistes dans les collèges était indiscutablement supérieur à 50% et les manifestants nombreux dans les rassemblements, notamment devant le rectorat. Une telle mobilisation ne nous semble pas anodine, elle ne peut pas continuer à être ignorée par notre ministère.
Par ailleurs, la FSU tient à manifester son profond désaccord et son inquiétude de voir le gouvernement s’enferrer dans ses préoccupations sécuritaires. Nous ne nions pas la nécessité de combattre les terroristes et de protéger la population mais, pour nous, la France doit rester un état de droit et les mesures prises sous le coup de l’émotion ne peuvent avoir qu’un caractère d’urgence et donc exceptionnel.
Nous avons contribué à relayer au niveau départemental les appels de la Ligue des Droits de l’Homme pour dire que « l’état d’urgence et le climat de guerre intérieure alimenté par le gouvernement contribuent au renforcement des amalgames et aux pratiques discriminantes, notamment de la part des forces de police. Ce ne sont pas « les terroristes qui sont terrorisés », ce sont des jeunes et des populations victimes de l’arbitraire en raison de leur origine et/ou de leur religion qui voient leur situation encore davantage fragilisée. […] Ces multiples atteintes portées au contrat démocratique sont une mauvaise réponse aux actes terroristes. Notre pays a été blessé, mais loin d’en apaiser les plaies, l’état d’urgence risque de les exacerber en appauvrissant notre démocratie, en hypothéquant notre liberté. ».
Le gouvernement a décrété l’état d’urgence le 14 novembre dernier et, dans le cadre d’une procédure accélérée, l’a prolongé de trois mois en modifiant le contenu des pouvoirs de police (extension des possibilités d’assignation à résidence, précisions sur le régime de perquisitions, possibilité de dissolution de groupes ou associations et suppression des dispositions instituant le contrôle de la presse). Des mesures font débat depuis plusieurs semaines comme celles liées aux interdictions de manifester, aux perquisitions et aux assignations à résidence. Elles posent la question de l’équilibre entre les pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif. Le Président de la République propose un projet de constitutionnalisation de l’état d’urgence, avant même de faire un bilan des mesures déjà prises au regard des objectifs visés dans la lutte contre le terrorisme.
La FSU n’est pas favorable à ce projet de constitutionnalisation car il autorise la pérennisation de dispositifs d’exception non encadrés dans leur périmètre et qui s’exonèrent d’un contrôle judiciaire dans leur mise en œuvre. La FSU refuse par ailleurs les dispositions du projet de loi pénale qui restreindraient encore davantage les libertés individuelles et introduiraient dans la justice ordinaire une partie des mesures exceptionnelles issues de l’état d’urgence. Encore une fois, la nécessaire lutte contre le terrorisme ne doit pas aboutir à sortir de l’état de droit. La mesure envisagée de déchéance de nationalité n’est pas la seule qui interroge dans ce projet mais elle est certainement la plus visible.
En reprenant une revendication des partis les plus réactionnaires, le gouvernement risque de tomber, tête première, dans le piège tendu par ceux qui sèment l’effroi. Dans le même temps, la France ouvrirait une brèche tout aussi symbolique dans le pacte républicain : une nation, un droit du sol, et à la clé une citoyenneté à double vitesse. Pour la FSU, le respect des libertés individuelles et collectives, l’assurance d’un fonctionnement démocratique sont des armes essentielles dans la lutte contre le terrorisme. Tout comme le nécessaire développement de mesures qui confortent le vivre ensemble et la justice sociale : l’éducation, la culture, le sport, l’aménagement du territoire, l’accès aux services publics, la promotion de la laïcité, la lutte contre les inégalités et les discriminations…La FSU demande que ce projet soit abandonné.
Dans
les lycées, le nouveau président de région annonce un plan de très grande envergure avec l’installation de portiques de détection pour un coût chiffré à 20 millions d’euros, dans le but de traquer les drogues, les armes et les intrus potentiels. Nous ne pouvons que nous élever contre cette mesure à visée sécuritaire qui ignore totalement les réalités de terrain. D’une part, selon une récente étude de la Direction de l’Évaluation, de la Prospective et de la Performance, les lycéens se sentent bien et en sécurité dans leur établissement. D’autre part, même si on compte seulement trois secondes pour le passage de chaque élève au fameux portique, l’entrée en début de journée de plusieurs centaines de personnes risque de s’en trouver terriblement allongée et de provoquer plus de problèmes que d’améliorations dans le climat scolaire.
Dans les collèges, les prévisions pour la rentrée 2016 annoncent une baisse du nombre d’élèves inscrits dans le public. Cette baisse des effectifs doit-elle être mise en lien avec les pertes enregistrées par le premier degré public au profit du privé suite à la réforme des rythmes scolaires ? Nous craignons de voir s’accentuer cette baisse de façon nette dans les années à venir puisque l’Éducation nationale prive l’enseignement public d’options qui favorisent la mixité et que certains collèges privés prétendent pouvoir maintenir. De même, nous sommes choqués par la politique initiée par la rectrice en matière de langues vivantes. Plusieurs classes bilangues dynamiques vont être supprimées dans notre département ou ne seront maintenues que dans des établissements privés. Comment l’Éducation nationale peut elle se satisfaire de « trouver un équilibre enseignement public / privé quant au choix des langues vivantes dans les différents secteurs géographiques » et de déléguer au privé confessionnel l’enseignement de certaines bilangues ? Comment l’école publique, laïque et gratuite peut elle s’accommoder de telles pratiques en des temps où la laïcité nous est présentée comme un pilier de la République ?