Pour débuter cette déclaration liminaire, nous souhaitons vous faire part M l’Inspecteur de notre inquiétude face à ce qui apparait comme une nette dégradation locale du dialogue social, de l’exercice du droit syndical et du fonctionnement démocratique des instances :
– 1) Tout d’abord, les refus d’autorisations d’absence pour formation syndicale qui semblent se généraliser cette année en Ardèche dans le second degré (sur des critères pour le moins opaques) constituent un précédent alarmant contraire au droit syndical à la formation.
– 2) D’autre part, alors qu’à la suite du ministère, vous promettiez dans la presse locale qu’il y aurait un professeur devant chaque classe à la rentrée, la suppression sans préavis ni explications du CSA SD 2d degré de rentrée qu’il était d’usage de tenir en Ardèche interdit désormais de discuter du bilan – bien éloigné de vos déclarations et de celles du ministre - et de faire part des difficultés d’une partie de nos collègues, ce que nous déplorons.
– 3) Enfin, les démarches entreprises par les élus du Département et soutenues semble-t-il par le rectorat de faire revoter les Conseils d’Administration sur des questions pourtant tranchées lorsque le résultat n’apparaissait pas conforme à leur volonté est indigne d’un fonctionnement démocratique.
Cette évolution nous inquiète d’autant plus qu’elle s’inscrit dans un contexte de mépris général de l’école publique et de ses personnels. Les propos de la nouvelle ministre qui, pour justifier la scolarisation de ses enfants dans le privé élitiste aux valeurs anti-républicaines, laisse entendre que l’école publique ne permet pas à ses enfants de s’épanouir et d’être correctement formés sont carrément une insulte à la profession ; ils témoignent également de ce qu’il faut bien nommer comme du séparatisme scolaire de la part d’une caste dirigeante qui méprise profondément le service public d’éducation et qui n’hésite plus à le dire haut et fort. Justifier son choix par « un paquet d’heures non remplacées » est tout simplement indigne de la part d’une ministre qui appartient à des gouvernements responsables de la suppression de près de 9000 postes dans le second degré public (malgré la hausse des effectifs) et qui a contribué activement à aggraver une crise du recrutement désormais massive. Plus grave, le fait désormais établi qu’elle a menti sur les raisons qui l’ont poussée à choisir le privé, constitue un scandale qui ruine dès son premier jour toute légitimité à diriger l’Éducation Nationale et devrait entrainer sa démission.
La lutte contre un soi-disant « absentéisme » des professeur-es est devenu l’alpha et l’omega de la communication ministérielle incapable d’assumer ses choix politiques. Alors que le problème principal réside dans les postes vacants et le non-remplacement des absences de longue durée, l’administration et les chef-fes d’établissement font feu de tout bois pour imposer des RCD ou le rattrapage d’heures supposément perdues : siéger en instance, accompagner des élèves en voyage ou en sortie, assister à une formation ne constituent en aucun cas de l’absentéisme ; ce sont des heures de temps de travail pour les personnels pour lesquelles il est inacceptable de demander un rattrapage. La tentative d’imposer des formations professionnelles en dehors du temps de service ne l’est pas davantage. A faire ainsi pression, à rendre les professeur-es responsables des heures perdues aux yeux des parents et de l’opinion, nos responsables mènent la politique du pire. Celle qui conduit à l’extinction de la formation continue (déjà très en deçà des besoins), des projets, sorties et voyages (pourtant si nécessaires pour l’ouverture culturelle de nos élèves et l’entretien d’un climat scolaire favorable) et qui fait encore augmenter la charge de travail des collègues au risque de la rupture. Nous exigeons un cadrage clair des chefs d’établissement pour que cessent les pressions en vue d’obtenir le rattrapage d’heures consécutives à une convocation ou liée à une sortie scolaire.
Les annonces de réformes du collège par Gabriel Attal constituent un autre grave sujet d’inquiétude dans la préparation de la rentrée 2024. La volonté d’instaurer des groupes de niveau sur la totalité des horaires de maths et de français en 6e/5e s’annonce catastrophique pour les élèves comme pour les collègues. Avec des parcours différenciés dès la 6e, « faibles », « moyens » et « forts » ne se mélangeront plus en maths et en français. Cela va à l’encontre des conclusions de toutes les études nationales et internationales, mais qu’importe ! Qu’importe également les effets psychologiques désastreux pour l’affirmation de soi d’élèves assignés à leur niveau (il ne faut pas se faire d’illusion sur la capacité des « faibles » à rattraper leur retard et intégrer le groupe des « forts ») ! Qu’importe encore l’usine à gaz que les chefs d’établissement devront mettre en place pour faire éclater les groupes classes, multiplier les heures en barrettes et ainsi dégrader considérablement les emplois du temps et la capacité de suivi des élèves ! Comment les collègues de maths et de français vont-ils pouvoir continuer à être professeurs principaux dans ces conditions ? Il est vrai qu’il aurait été dommage de ne pas faire profiter les plus jeunes des effets délétères bien connus de la réforme du lycée !
La mise en œuvre s’annonce d’autant plus problématique que si l’on en croit la DG départementale pour la rentrée 2024, le département va perdre l’équivalent de 9 ETP (-160 HP). Ramené au nombre de divisions, la rentrée va s’effectuer au mieux à moyens constant en HP (voire avec une dotation en baisse dans plusieurs établissements). Les promesses de moyens supplémentaires du ministre Attal n’étaient donc qu’un mensonge de plus ! Comment faire des groupes réduits dans ces conditions alors que les équipes, tout particulièrement en français et maths, sont déjà surchargées d’HS ? Va-t-on recycler les quelques professeur-es des écoles volontaires dans le cadre du pacte pour le soutien en 6e ? Nous refuserons toute organisation anti-pédagogique contraire à l’intérêt des élèves. Nous soulignons également qu’il nous est demandé, pour la 2e année consécutive, de préparer la rentrée avec des modifications majeures alors même qu’aucun texte règlementaire n’est paru. Ainsi, la DG départementale semble anticiper la disparition de l’heure de soutien renforcement en 6e avec une dotation de 28H/division (ce qui implique 25h de cours + 3H de marge) – il faut croire que cela ne devait pas être une si bonne idée que ça finalement ! Elle est donc en contradiction avec le principe pourtant affirmé en 1re page selon lequel « la DG est calculée de manière à assurer la totalité de la grille hebdomadaire règlementaire » puisque les textes actuellement en vigueur font toujours état d’un horaire hebdomadaire de 26H en 6e. Les équipes ne peuvent préparer la rentrée sereinement dans ces conditions.
Sur le fond, c’est le projet d’un collège du tri social, les élèves les plus fragiles seront punis ! D’abord, par la réduction de leur temps de vacances puisqu’il pourrait leur être prescrit des stages de renforcement (qui pourrait conditionner leur passage en classe supérieure) – nous sommes déjà l’un des pays avec le plus grand nombre d’heures d’enseignement. Ensuite parce qu’on pourrait augmenter leur nombre d’heure en maths et en français en réduisant leur participation aux cours dans les autres matières. Les fondamentaux contre l’ouverture culturelle, l’apprentissage des langues, des sciences, de l’histoire-géo, l’EPS… De plus, il est déjà évident que les groupes « faibles » vont devoir également accueillir les élèves relevant des dispositifs ULIS et SEGPA (puisque l’inclusion systématique dans les classes ordinaires est désormais l’une de vos priorités M l’Inspecteur). Ces groupes risquent bien d’être ingérable en cumulant des difficultés de natures différentes, ce qui risque de dégrader considérablement un climat scolaire déjà souvent difficile. Pour la plupart de ces élèves, l’orientation sera désormais jouée dès la 6e. Or, avec les difficultés croissantes à répondre aux besoins des élèves en la matière (manque de PsyEN, nombre croissant d’élèves sans solution d’orientation post 3e) et avec la réforme de la voie professionnelle qui réduit celle-ci à peau de chagrin au profit de l’apprentissage, c’est un véritable abandon des plus fragiles qui se dessine – alors même que l’apprentissage est le système qui occasionne le plus de décrochage. Le conditionnement de l’accès au lycée à l’obtention du DNB s’articule avec la réforme pour fermer l’accès au Bac pro a ces derniers ; La République contre ses enfants !
Cette jeunesse triée selon ses origines devra en plus être docile et si possible dépourvue d’esprit critique. Il ne faudrait pas qu’ils contestent la place que les inégalités sociales leur ont attribuée. Pour ces jeunes qu’on voudrait à pensée unique on expérimente aussi la tenue unique. Quand le fond rejoint la forme avec une jeunesse vêtue d’uniformes et matraquée par la propagande à coup de textes fondateurs en EMC. Le tableau orwellien ne serait pas complet sans la généralisation devant les collèges ardéchois de la vidéosurveillance. Là encore quel gaspillage ! Avec l’argent des uniformes et des caméras, il aurait été possible d’organiser gratuitement pour les familles des voyages scolaires à l’étranger tous les ans pour chaque élève. Ces voyages qui favorisent l’apprentissage des langues constituent des expériences fondatrices dans le rapport à l’autre et à l’étranger. Le collège est en effet une période d’ouverture sur le monde pour la jeunesse et de rencontres. Mais les adultes au pouvoir préfèrent visiblement pour eux l’uniforme, le garde à vous et la Marseillaise. Avec la généralisation du SNU, les jeunesses macroniennes sont en marche. Et c’est une marche au pas qu’on leur propose. Heureusement les cours de théâtre tout frais sortis du chapeau permettront à nos élèves de mieux comprendre la tragédie qui se joue sous leurs yeux !
Pour nous qui faisons l’école, nous réaffirmons avec ambition son sens et ses missions : assurer l’accès à des savoirs exigeants pour tous les élèves, développer les conditions favorables à un apprentissage collectif permettant le vivre ensemble et combattre résolument les déterminismes sociaux. Les élèves doivent pouvoir exercer leur sens critique, s’ouvrir à une pensée humaniste rigoureuse, fondée sur la raison et les savoirs qui émancipent. C’est pourquoi la FSU appelle les personnels à la grève le 1er février.