En attendant le compte-rendu que vos élus SNES et SNEP préparent activement, voici la déclaration qu’ils ont lu en ouverture de ce CTSD marathon (3 heures).
Ce CTSD de préparation de la rentrée 2016 s’ouvre dans un contexte troublé par la réforme du collège : à l’organisation administrative désastreuse qui leur est dictée et au plan de formation précipité qu’on leur impose, les enseignants du second degré opposent toujours un refus clair, qui s’est une nouvelle fois exprimé mardi, avec un taux de grévistes en collège supérieur à 50% en Ardèche et des manifestants nombreux tant devant la préfecture de Privas que devant le rectorat de Grenoble. Il est maintenant temps que le ministère tienne compte de l’avis des premiers professionnels de l’éducation.
Ils ne sont pas descendus dans la rue en perdant une journée de salaire pour la quatrième fois en quelques mois, parce qu’ils seraient seulement inquiets à l’idée de changer leurs habitudes, parce qu’ils rejetteraient les pratiques innovantes ou parce qu’ils seraient contre les projets interdisciplinaires. Ils n’ont pas attendu leur hiérarchie pour innover, s’enrichir et réfléchir à leurs pratiques. Non, ils refusent cette réforme parce qu’elle va accroître les inégalités scolaires, sociales et territoriales entre les élèves, parce que l’organisation imaginée est une usine à gaz impossible à mettre en pratique et parce qu’une plus grande autonomie des établissements est la porte ouverte à une déréglementation qui va favoriser les disparités voire la compétition entre les établissements et sonner le glas de la continuité de l’offre d’éducation sur le territoire français. L’appauvrissement des contenus des nouveaux programmes en EPS ainsi que sa disparition, comme celle de l’éducation musicale et des arts plastiques dans l’évaluation en vue du DNB font craindre une perte de sens dans ces disciplines.
Les formations qui sont imposées par la manière douce ou la manière forte ont confirmé que la réflexion pédagogique n’en est pas le premier objectif. Les collègues hésitants qui font office de formateurs n’ont pas les réponses aux questions légitimes des enseignants, ils dispensent ce qui semble être un florilège de bonnes pratiques pédagogiques au travers de vidéos éculées qu’ils se contentent de faire visionner sans les mettre en perspective ni en faire émerger un quelconque débat constructif. Ces formations doivent certes coûter à l’état mais le coût ne détermine en rien de la valeur d’une action, et, de l’avis d’une très grande majorité de collègues, ces formations sont vides de sens et de contenus, infantilisantes et improvisées : la démonstration une fois de plus du profond mépris affiché par l’administration de l’Éducation nationale pour les enseignants qui ont en charge les classes au quotidien. Ceux-là même qu’il s’agirait de « professionnaliser » mais à qui on se garde bien de demander l’évaluation de ces journées perdues pour les élèves. Le cœur de notre métier, c’est l’enseignement de contenus, pas la mise en place de coquilles rutilantes mais vides .
Il n’y a pas que la réforme du collège qui déçoit et provoque la colère des enseignants : les moyens attendus suite à l’annonce d’une priorité donnée à l’éducation ne sont toujours pas là, en tout cas pas à la hauteur de l’ambition affichée. Si le nombre de collégiens inscrits dans le public baisse, il y a fort à parier que le tiers de point de baisse du E/D ne se verra pas dans la plupart des classes ardéchoises. On nous annonce déjà des classes à 30 ou plus dans des collèges de notre département. D’autre part, cette baisse des effectifs dans les collèges publics pose une question : doit-elle être mise en lien avec les pertes enregistrées par le premier degré public au profit du privé qui a fait ses choux gras de ne pas être soumis à la réforme des rythmes scolaires ? Cette baisse risque de s’accentuer de façon nette puisque l’Éducation nationale délègue au privé confessionnel l’enseignement de certaines bilangues et prive l’enseignement public d’options qui favorisent la mixité (sections européennes et latin). Comment l’Éducation nationale peut-elle se satisfaire d’ « équilibrer » ainsi l’offre en langues vivantes sur le territoire ? Comment l’école publique, laïque et gratuite peut-elle s’accommoder de telles pratiques en des temps où la laïcité nous est présentée comme un pilier de la République ?
La réforme, enfin, au-delà des principes fondamentaux qu’elle remet en cause, interpelle sur le sort réservé aux collégiens actuels :
– Que va-t-il se passer pour les élèves de 5e, 4e ou 3e qui ont commencé une bilangue qui sera supprimée à la rentrée 2016 ?
– Que faire pour les élèves qui avaient fait le choix de l’option anglais euro au détriment d’une autre option et en seront pourtant privés ?
– Qu’est-il prévu pour les élèves entrant en 4e ou 3e, et pour lesquels l’horaire hebdomadaire de LV2 est abaissé alors qu’il n’ont pas bénéficié de la LV2 en 5e ?
Ce ne sont que quelques exemples des conséquences de l’application autoritaire de cette réforme et du bouleversement intégral et brutal des quatre années de collège dès la prochaine rentrée. Les auteurs de la réforme ont-ils omis ces éléments au cours de leur réflexion pour le coup superficielle et peu sérieuse ? Ou est-ce sciemment que des cohortes entières d’élèves seront sacrifiées pour que le gouvernement puisse mener tambour battant son entreprise de communication électorale ?