Le Conseil Départemental de l’Education Nationale de l’Ardèche (regroupant les représentants des personnels, des parents et des collectivités territoriales) s’est réuni ce matin à Privas.
Il a été principalement question de la carte scolaire du 1er degré.
Comme il se tenait en même temps que le CSE sur la réforme du collège, nous en avons profité pour faire la déclaration liminaire ci-dessous :
Ce CDEN se tient au même moment où Mme Vallaud-Belkacem présente sa réforme du collège au Conseil Supérieur de l’Education.
Présentée à la presse et au conseil des ministres, il y a seulement quelques semaines pour une publication avant l’été et une mise en œuvre dès la rentrée 2016, cette réforme est menée au pas de charge sans prendre le temps de consulter parents ou personnels. On pourrait presque croire que la ministre aurait peur de l’avis de nos collègues !
Et pourtant, qui pourrait être en désaccord avec les objectifs de cette réforme ? Qui ne veut pas « permettre à tous les élèves de mieux apprendre pour mieux réussir, en maîtrisant les savoirs fondamentaux et en développant les compétences du monde actuel » ? Qui ne souhaite pas que le collège soit un lieu de « l’épanouissement et de la citoyenneté qui crée du commun et fasse vivre les valeurs de la république » ? D’ailleurs, comment ne pas souscrire à ces objectifs, surtout après le tableau dressé du collège par notre ministre ? A la lire, le collège « monolithique »« aggrave la difficulté scolaire », « cristallise les défauts de notre système éducatif ». Il est tout à la fois « peu motivant pour les élèves, anxiogène pour les parents et frustrant pour les professeurs ».
Il y a donc urgence à réformer, quitte à ne pas consulter. Mais l’urgence ne serait-elle pas plutôt de la clairvoyance car nos collègues ne se seront pas longtemps laissés éblouir par le vernis de la communication ministérielle, comme ils l’ont démontrés hier avec plus de 30% de gréviste dans les collèges du département. Si nous souscrivons aux objectifs, nous ne sommes pas dupes des mesures annoncées, dont la pertinence ne résiste pas à l’analyse, et moins encore à l’expérience de recettes qui ont déjà échoué par le passé.
Première fausse bonne idée : des enseignements interdisciplinaires comme solution miracle à l’échec scolaire.
Oui l’interdisciplinarité donne du sens aux apprentissages si elle découle naturellement des programmes et qu’elle est portée par des collègues volontaires avec des moyens pour se concerter et co-intervenir en classe. Non les Enseignements Interdisciplinaires Pratiques (EPI) ne répondront pas à ces objectifs car ils seront imposés aux équipes, non en fonction de volontés pédagogiques, mais comme variable d’ajustement des services des enseignants.
Deuxième fausse bonne idée : 20% des horaires laissées à l’initiative des établissements pour s’adapter au contexte local.
Les établissements auront la possibilité de répartir comme ils veulent les horaires disciplinaires de la 5e à la 3e et donc de décider localement comment les notions seront abordées sur 3 ans. Au delà même des non-sens pédagogiques en cas de changement d’établissement ou des conséquences désastreuses sur les services, on organise ainsi une mise en concurrence des collèges et on crée de profondes inégalités sur le territoire.
Troisième fausse bonne idée : le mythe de l’Aide Personnalisée.
Oui un mythe car on fait croire aux élèves et à leurs parents que l’on va s’occuper spécifiquement des difficultés de chaque enfant. Mais en réduisant les horaires disciplinaires au profit de l’AP ou des EPI, évoqués plus haut, on induit des difficultés auprès des élèves les plus défavorisés qui n’ont que l’école pour faire culture, tout en rejetant la responsabilité de leurs difficultés sur les familles, l’institution ayant fait ce qu’il fallait : elle a créé l’AP (dont l’organisation dans les lycées est trop souvent loin d’apporter une quelconque aide aux élèves).
Quatrièmement, première imposture : des petits groupes pour mieux apprendre.
Dans la réalité, les moyens pour mettre de tels groupes en place ne sont pas donnés. Concrètement seuls les collèges qui ne proposeront pas d’option pourront dégager quelques heures pour les mettre en place.
Cinquièmement, deuxième imposture : enseigner la LV2 dès la cinquième.
Non, passer à deux heures par semaine sur trois ans au lieu de trois heures par semaine sur deux ans n’améliorera pas l’apprentissage d’une langue étrangère... Nos collègues vont voir leur nombre d’élèves et de classes augmenter, ce qui n’améliorera en rien le suivi des élèves. Les élèves ne progresseront pas mieux car toutes les études montrent que c’est le temps d’imprégnation hebdomadaire qui compte. De plus on affiche une amélioration mais on supprime tout de même des heures : une heure de moins en sixième en LV1, les classes bilangues et les sections européennes qui disparaissent.
Nous professionnels, à l’aune de la mise en place des même principes en lycée en 2010, pouvons affirmer que les contraintes administratives l’emporteront toujours sur les volontés pédagogiques, transformant une réforme au service des élèves en vaste imposture permettant de déréglementer une Éducation qui n’aura plus grand chose de nationale et de pressurer les personnels.
Nous appelons les parents et les citoyens à s’informer, nous appelons nos collègues à combattre cette réforme et tous ensemble à exiger une vraie réforme du second degré digne de leurs enfants et de l’école de la république.