« Le service public de l’éducation […] contribue à l’égalité des chances et à lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative. […] La répartition des moyens du service public de l’éducation tient compte des différences de situation, notamment en matière économique et sociale. Elle a pour but de renforcer l’encadrement des élèves dans les écoles et établissements d’enseignement situés dans des zones d’environnement social défavorisé et des zones d’habitat dispersé, et de permettre de façon générale aux élèves en difficulté, quelle qu’en soit l’origine, en particulier de santé, de bénéficier d’actions de soutien individualisé » (article L.111-1 du Code de l’Éducation ).
Comment est calculée la dotation à une académie ?
Les critères structurels caractérisent l’établissement : son offre de formation, sa taille ou son éloignement. L’offre de formation est centrale pour estimer les besoins théoriques des LGT et LP. Pour les collèges, les ULIS et UPE2A sont pris en compte, tout comme la taille du collège du fait du « coût structurel » lié à la petite taille de certains. L’indice d’éloignement n’est alors pas utilisé car il est redondant avec la variable « taille ».
Pour caractériser le milieu social, deux informations ont été utilisées : l’indice de position sociale (IPS) et la part d’élèves boursiers. Le nombre de collège en éducation prioritaire n’est pas pris en compte, le nouveau modèle privilégiant des indicateurs continus pour éviter l’effet de seuil du classement en éducation prioritaire Les résultats scolaires ne sont également pas retenus du fait de leur corrélation avec l’IPS et la part des boursiers.
À partir des critères utilisés, un H/E attendu est calculé pour chaque établissement.
Le modèle développé par la DEPP sert au ministère dans les échanges avec les académies mais ne s’impose pas pour la dotation des moyens ; le H/E reste théorique.
De nouvelles règles de répartition qui appuient les discours politiques
Ce modèle d’attribution des moyens aux académies appuie les discours politiques à toutes les échelles, particulièrement sur l’éducation prioritaire. Si la réforme de 2014 (transformation des ZEP en REP et REP+ et sortie des lycées de l’éducation prioritaire) a confirmé la labellisation des établissements en éducation prioritaire, les différentes remises en cause en s’appuyant sur l’allocation progressive des moyens se succèdent dans les propos des multiples ministres depuis Jean-Michel Blanquer, se résumant par l’attribution des moyens en fonction de l’Indice de Position Sociale, afin d’éviter les effets de seuil, pour l’attribution des moyens en heures.
L’académie de Grenoble a mis très tôt cette politique d’allocation progressive en collège et en lycée, « en accompagnant les établissements les plus fragiles du fait des caractéristiques territoriales et/ou de leur contexte socio-économique en maintenant une part d’allocation progressive des moyens » (document préparatoire du CSA du 18 janvier 2024).
Une allocation progressive à la marge en lycée
En lycée, l’académie maintient l’allocation progressive des moyens mise en œuvre depuis la rentrée 2019 et revalorisée à la rentrée 2022. Elle se décline comme suit :
Pour la voie générale et technologique, les caractéristiques conduisant à l’octroi de moyens complémentaires sont cumulables et comprennent une analyse des indicateurs de difficultés sociales.
L’allocation progressive des moyens se décline comme suit :
– établissements isolés (1er lycée à + de 30 mn) : +11 heures ;
– établissements de 1 à 4 divisions en 1re générale : +8 heures ;
– établissements de 1 à 4 divisions en terminale générale : +6 heures ;
– établissements caractérisés par une difficulté sociale importante (IPS) : +6 heures.
Ainsi, le budget alloué aux LGT et à la voie GT des LPO au titre de l’allocation progressive des moyens pour la rentrée 2024 s’établissait à 532 heures.
Ce dont donc des heures en plus en fonction des critères ci-dessus, qui n’impactent pas le nombre d’élèves théoriques par division, repris pour le calcul de la dotation des établissements, qui n’est pas communiqués pour la voie générale et technologique (mais qui est de 32 élèves par exemples pour certaines formations professionnelles…), qui s’appuie essentiellement sur la structure, les enseignements de spécialité…
Pour les lycées professionnels, certains établissements bénéficient de l’attribution de l’allocation progressive des moyens qui s’appuie sur l’analyse des indicateurs de fragilité sociale et donc du classement de l’établissement mis au regard de son IPS : + 9 heures.
L’allocation progressive des moyens attribuée aux LP et SEP (LPO) à public fragile s’élève à 117 heures pour la rentrée 2024.
La mise en œuvre de l’allocation progressive des moyens sur le calcul de la structure en collège
Pour les collèges, la mise en œuvre est différente. Le rectorat a défini des seuils théoriques d’attribution des moyens en tenant compte des IPS.
Pour la rentrée 2014, « compte tenu des évolutions des IPS », 3 catégories ont été retenues :
– catégorie A : EP : 25 élèves et CLA à 27 élèves ;
– catégorie B : 28 élèves ;
– catégorie C : 30 élèves.
Le classement en éducation prioritaire (REP+/REP) n’est donc pas pris en compte pour les Dotations Globales, sauf sur le financement de la pondération en REP+.
L’allocation progressive des moyens peut donc conduire, pour un même nombre d’élèves, à un nombre de divisions supérieur pour la catégorie A que pour la catégorie C.
Par exemple, pour un collège qui 112 élèves en Troisième, la DSDEN retiendra une structure théorique de 5 divisions s’il est en REP (112/25) ou de 4 divisions s’il est en catégorie C (112/30), avec des conséquences sur la dotation beaucoup plus importante (la dotation pour une classe de Troisième est de 29h). Les seuils restent cependant théoriques et un élève supplémentaire ne conduit pas automatiquement à une ouverture de division !
Augmentation du nombre d’élèves par classe : comment faire passer la pilule ?
L’administration a beau renié sur toutes les marges, ne pas financer les dédoublements ou les groupes, supprimer des spécialités et options, voire des heures comme en technologie en Sixième, les suppressions de poste se voient dans les établissements, avec des remplacements non assurées (le nombre de TZR font comme neige au soleil) et l’augmentation des élèves par classe, dégradant toujours plus les conditions d’étude et les conditions de travail.
Source : DEPP, L’Éducation nationale en chiffres, édition 2024
Le ministère ne s’en cache donc pas et toute la question reste de faire passer la pilule aux personnels et aux parents.
En lycée, l’explosion du groupe classe avec la réforme Blanquer brouille les repères et un nouvel indicateur a été créé qui masque la réalité : le E/S (le nombre d’élèves par structure.Cet indicateur correspond au nombre d’élèves dont un professeur à la charge en moyenne pendant une heure de cours. Il fait donc une moyenne des effectifs par heure, qu’elle soit en classe entière, en groupe, etc. Donc, il suffit d’avoir un dédoublement, une option ou un enseignement à faible effectif et la moyenne diminue !
En 2023, alors que le ministère reconnaît que les lycéen
nes sont en moyenne 30,3 par classe en LGT, le E/S est de 24,1 élèves pour les formations générales et technologiques. Quant à l’augmentation flagrante que l’on vit dans nos établissements de 27,9 élèves en 2010 à 30,3 élèves par classe en LGT en 2023, le E/S montrent une stagnation. Bref, un indicateur bien pratique pour masquer les conséquences des suppressions de postes en lycée qui sont elles bien réelles.En collège, c’est un peu plus compliqué et le E/S est d’ailleurs proches de la moyenne du nombre d’élèves par classe du fait du faible nombre d’heures dédoublées ou en groupes, donc allons chercher dans l’allocation progressive des moyens.
À la rentrée 2019 par exemple, le rectorat fixait le seuil à 24 élèves en REP+ et 25 en REP.
Dans plusieurs départements, des seuils étaient différenciés pour une même catégorie d’établissement en fonction des niveaux Par exemple en Ardèche, la dotation se fit il y a quelques années 27 sur le niveau 6e et 29 en 5e, 4e et 3e pour les collèges « favorisés.
En Haute-Savoie, la classification des collèges se faisait en 4 groupes :
– le groupe 1 rassemble les collèges REP et assimilés avec un repère fixé à 25 élèves par division ;
– le groupe 2 rassemble les collèges appartenant à la moitié la plus défavorisée du département avec un repère fixé à 28 élèves par division ;
– le groupe 3 rassemble les collèges favorisés du département avec un repère fixé à 29 élèves par division ;
– le groupe 4 rassemble les collèges très favorisés du département avec un repère fixé à 30 élèves par division.
À la rentrée 2024, les classifications et seuil ont changé.
Nous sommes passés souvent de 4 groupes à 3 groupes, avec un classement d’établissement dans le groupe supérieur, sans que l’IPS moyen ait augmenté.
Dans le même temps, les seuils sont passés de 25 à 26 en éducation prioritaire et à une généralisation des seuils à 30 dans tous les niveaux pour les établissements favorisés.
Les conséquences ont été pour plusieurs collèges la perte d’une division sur le nouveau mode de calcul, surtout pour ceux changeant artificiellement de groupe.
À noter que, alors que même Jean-Michel Blanquer a mis en place les dédoublements en CP/CE1 pour l’éducation prioritaire, la différence entre le collège Jean Vilar (IPS moyen de 70,3) et le collège Europole (IPS moyen de 147,3) est de 4 élèves par classe pour le calcul de la dotation !
En conclusion, sous couvert d’une prise en compte des différences sociales des établissements, la politique allocation progressive des moyens se révèle bien pratique pour justifier pour certains établissements des effectifs excessifs par classe, tout en les augmentant pour les autres.
Effectifs : une bataille toujours d’actualité !
Pour le SNES-FSU, si l’on veut véritablement améliorer les conditions d’études et de travail, il faut significativement diminuer les effectifs par classe, d’autant plus que les chiffres ne tiennent pas compte des élèves à besoins particuliers inclus dans les classes.
Le SNES-FSU revendique :
– un maximum de 20 élèves par classe en collège (16 en éducation prioritaire) pour assurer la réussite de toutes et tous, tout en donnant les conditions d’une école plus inclusive ;
– 24 élèves par classe en lycée général et technologique (20 élèves par classe dans les établissements qui relèveraient de l’éducation prioritaire).
La baisse démographique doit être mise à profit pour rattraper le retard d’encadrement et la diminution de l’offre de formation accumulés.
Même avec la baisse des effectifs, il faut créer des emplois pour retrouver le taux d’encadrement de 2006. Une étude la DEPP vient de confirmer qu’en moyenne la France compte presque 25 élèves par classe au collège contre 21 dans les pays de l’UE membres de l’OCDE. Il est l’heure d’investir pour réaliser les principes des services publics, accessibilité et égalité. Ce serait aussi l’occasion d’améliorer les conditions de travail et de carrière. Le SNES-FSU fait de ces données oubliées mais utiles aux populations, des arguments pour mobiliser.