Une trentaine de collègues des 1er et 2d degrés de toute l’académie ont participé aux états généraux de d’éducation prioritaire, en préparation des états généraux nationaux organisés à Paris par la FSU.
Malgré le contexte sanitaire et le passage en visio, les échanges ont été riches pour témoigner de nos conditions de travail, faire le point sur la destruction systémique orchestrée par JM Blanquer et N. Elimas (secrétaire d’Etat à l’éducation prioritaire nommée cet été) et réaffirmer notre conception d’une éducation prioritaire pour la réussite de tou
tes nos élèves pour mobiliser la profession pour une autre politique.Réforme de 2014 : des avancées à mettre à l’actif de l’action syndicale
Après un retour sur l’historique de l’éducation prioritaire avec la création des zones prioritaires sur une logique territoriale, puis les premières attaques vers un nouveau paradigme (l’éducation prioritaire pour les seul
es élèves « méritant es ») sous Sarkozy, le bilan a été fait de la réforme de 2014 avec la mise en place des REP+ et des REP.L’action syndicale a permis une avancée avec la reconnaisse de la pénibilité par la pondération en REP+ et donc une diminution du temps de travail pour les personnels.
Mais, cette réforme est en demi-teinte. L’absence de véritable effort budgétaire s’est traduite par une redistribution des moyens et l’exclusion des lycées de l’éducation prioritaire, alors que la paupérisation est grandissante dans notre pays. Conjuguées à un déclassement salarial de nos professions, les améliorations en termes d’indemnitaires et de carrière n’ont pas permis de rendre attractifs des écoles et collèges de l’éducation prioritaire qui sont toujours soumis à un turn-over et une précarité chez les personnels importantes. L’absence d’une réelle prise en compte de TOUS les personnels avec le refus d’une reconnaissance salariale pour les AED et les AESH a été dénoncée.
Enfin, la réforme de 2014 s’est accompagnée d’un pilotage toujours plus prescriptifs dans la continuité de la politique du Nouveau Management Public à l’œuvre dans l’éducation nationale et jamais remis en cause par un gouvernement depuis le début des années 80.
Cette politique néolibérale de désengagement de l’État et de contrôle toujours plus strict a pris une nouvelle ampleur avec un pilotage des réseaux, des écoles et des collèges à base d’indicateurs hors-sol, de l’imposition des évaluations nationales, du contrôle tayloriste de la part d’IEN et de chefs d’établissement du temps dégagé par la pondération en REP+, ou encore l’imposition des dédoublements en CP et CE1 sans aucune concertation et évaluation du dispositif « Plus de maitres que de classes » masquant la réalité des effectifs qui explosent…
2022 : la fin de la politique d’éducation prioritaire
Depuis son arrivée au ministère, Blanquer n’a eu de cesse de mettre en avant l’ « allocation progressive des moyens » pour mettre en concurrence l’éducation prioritaire et le rural. Pour Blanquer, s’appuyant sur la vision comptable de la Cour des comptes, l’éducation prioritaire ne fonctionne pas et une majorité des élèves qui devraient en bénéficier ne sont pas scolarisés dans les écoles et établissements classés en REP.
C’est le sens de la commande du rapport Azéma-Mathiot lequel penche vers la suppression des réseaux d’éducation prioritaire au motif qu’ils seraient à gérer avec les territoires ruraux, au niveau local. Ne resteraient labellisés et gérés au niveau national que les REP+, soit le tiers des 1 100 réseaux actuels. Les autres n’auraient plus de reconnaissance en termes de statut des personnels, et bénéficieraient de moyens octroyés selon l’allocation progressive en cours de généralisation dans les académies. Le rapport s’inscrit également dans la continuité de la loi de Transformation de la Fonction publique avec un recours encouragés aux contractuels et la proposition de réintroduire la bivalence dans le second degré, etc.
Les dernières annonces de N. Elimas dans la presse puis au Sénat en novembre 2020 et l’ouverture de la labellisation de 40 nouvelles cités éducatives finissent de dévoiler la politique du gouvernement pour l’éducation prioritaire :
D’un côté les cités éducatives qui à terme risquent de remplacer les REP+ (pour exemple, la seule cité éducative de l’académie de Grenoble regroupe 2 des 4 REP+ et un REP).
Les cités éducatives s’inscrivent dans l’idéologie des « territoires apprenants » qui décrètent que l’on peut apprendre et se former partout ailleurs qu’à l’école, ce qui participe à diluer l’importance d’un service public d’éducation de qualité. Les collectivités territoriales et les services de l’État (préfecture et rectorat) devraient les copiloter. « Une stratégie éducative ambitieuse et innovante » devrait être mise en œuvre avec une place de plus en plus importante du périscolaire et des collectivités au détriment de l’éducation nationale. Une « gouvernance » s’imposerait aux conseils d’école et conseils d’administration des collèges, minorant la place des personnels, et promouvant les associations de parents et des acteurs « partageant les valeurs républicaines », avec à sa tête le trinôme principal de collège – délégué du préfet – chef de service de la collectivité. Les moyens supplémentaires annoncés seront octroyés en fonction de la mise en place de cette « stratégie ».
De l’autre, une suppression des REP remplacés par les Contrats Locaux d’Accompagnements.
Pour le ministère, ces CLA doivent « mieux tenir compte des contextes locaux et apporter une réponse aux difficultés des territoires ruraux et périphériques » et « répondre à la problématique des écoles orphelines et de certains lycées professionnels ».
Dès la rentrée 2021, trois académies (Lille, Nantes, Marseille) testeront ce nouveau dispositif . Un contrat de trois ans sera établi entre des établissements et leur rectorat, avec une clause de revoyure pour les prolonger si besoin. Si la main est laissée à chacune de ces académies, un cadre et une grille d’indicateurs nationaux devraient faire office de référence. La liste des établissements concernés devrait être publiée en janvier, quelques-uns des lycées classés avant 2014 pourraient y figurer, notamment dans l’académie de Marseille. Depuis, elle a expliqué au Sénat que cette expérimentation se ferait à moyens constants. On comprend donc que les moyens supplémentaires alloués à ces établissements seront donc prélevés sur les dotations d’autres. Une fois de plus, on déshabille Paul pour habiller Pierre.
Délabelliser les REP, c’est permettre à chaque académie de modifier ses priorisations en fonction des enjeux politiques locaux, à l’inverse d’une carte nationale construite sur des critères transparents. Les moyens des REP pourraient être ponctionnés pour financer des problématiques différentes de celles qui relèvent d’une concentration d’élèves en grande difficulté sociale et scolaire, mais aussi pour financer davantage des établissements privés sous contrat ruraux. L’indemnité des enseignants de REP qui continueront pourtant à travailler dans des conditions difficiles est aussi remise en cause, ainsi que les bonifications afférentes.
Des réformes qui font système
Dans le même temps, le ministère commence à appliquer la partie de la loi « Pour une école de la confiance » qui concerne l’évaluation systématique des établissements. Alors que les équipes pédagogiques sont épuisées par les difficiles conditions de travail dans cette période de crise sanitaire, 20 % des établissements doivent effectuer une autoévaluation et produire un diagnostic. Une fois qu’ils auront pointé leurs forces et leurs faiblesses, une évaluation externe sera dépêchée à grand renfort d’inspecteurs et de chefs d’autres établissements. A partir de cet audit, l’administration pourrait forcer les équipes à modifier leur contrat d’objectifs et imposer un mode de fonctionnement différent. Cette évaluation des établissements risque de mener à une allocation de moyens reposant sur des projets et non sur les difficultés sociales des élèves accueillis.
Mobiliser contre le démantèlement de l’éducation prioritaire
Face à ce paysage qui s’esquisse d’une éducation prioritaire réduite à peau de chagrin, il est nécessaire de se mobiliser.
Les états généraux tenus à Grenoble ont réaffirmé les mandats de la FSU :
– une labellisation unique (écoles, collèges, lycées), s’appuyant sur des critères économiques, sociaux et scolaires transparents et concertés incluant les écoles et établissements en zone rurale qui correspondent à ces critères,
– le rattachement de toutes les écoles orphelines,
– une carte scolaire favorisant la mixité sociale,
– une enveloppe budgétaire qui parte des besoins et une politique de service public ambitieuse (logement, emploi, santé, culture),
– une école ambitieuse et exigeante, avec une offre d’enseignements diversifiés en éducation prioritaire,
une réduction des effectifs dans toutes les classes,
– du temps de concertations sur les temps de service plus important et pour tous les personnels,
– un pilotage qui renonce aux prescriptions et qui favorise le travail collectif,
– un véritable bilan des dédoublements CP et CE1 et du dispositif PDMQDC,
– une reconnaissance financière et en terme de carrière pour les conditions d’exercice particulière en éducation prioritaire à l’ensemble des personnels (enseignant es, CPE, AED, AESH, administratifs, PSY EN, infirmières, AS…).
Cela passe par la mise en échec de la politique actuelle qui est à l’opposé des valeurs de l’École en choisissant les « méritants » et en rendant nos élèves et leurs familles responsables des conséquences des politiques de casse sociale. La grève du 26 janvier doit être l’occasion de mobiliser les personnels contre ce démantèlement qui touche toute l’École. La FSU doit faire des états généraux du 28 à Paris une journée pour mobiliser la profession dans le cadre d’un plan d’action plus large.
Se battre contre la destruction de l’éducation prioritaire, c’est se battre pour la priorité à l’éducation.