10 février 2018

Retraite et Protection sociale

Le financement de la protection sociale

Dans la suite de la préparation du Congrès académique et du Congrès national du SNES-FSU ( cf. Textes préparatoires dans le supplément à L’US n°775 du 23 décembre 2017 ), sur le thème 3 intitulé « Développer les solidarités, promouvoir des alternatives économiques et sociales » autour de « § 2. QUELLE PROTECTION SOCIALE ET QUELLES POLITIQUES SOCIALES » et « § 3. FINANCER LE DROIT À LA SANTÉ », vous trouverez un nouveau texte.
Il est destiné à alimenter la réflexion et la discussion sur des questions essentielles soumises aux syndiqués et débattues dans ces congrès.
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Télécharger ici le préraport du thème 3...
Prérapport du thème 3 ( pdf - 655 Ko )


L’évolution de la protection sociale est marquée par une fiscalisation accrue de son financement. Qu’est-ce que cela signifie ? Fiscaliser veut dire remplacer progressivement les cotisations sociales par des impôts et des taxes.

La part des cotisations sociales assises sur les salaires représente toujours la principale ressource de la protection sociale avec 61,2% du total.
Cependant, en 1959, elle pesait 76,8% de ce même total. Parallèlement, la part des impôts et taxes ( ITAF ) a fortement augmenté pour atteindre 24,5% des ressources en 2015.

Parmi ces ITAF, la CSG ( Contribution Sociale Généralisée ) joue un rôle de premier plan.
Dès 1991, sa mise en place par Rocard a donné le coup d’envoi de la fiscalisation. En 1996, les ordonnances découlant du plan Juppé de 1995 ont entériné l’intégration de l’assurance-maladie dans le budget de l’État. Depuis cette date, chaque année c’est le parlement qui vote une enveloppe pour les dépenses d’assurance-maladie définie par la loi de financement de la Sécu. En 1998, le gouvernement Jospin transfère la quasi-totalité de la cotisation maladie sur la CSG. Il reste alors à peine 0,75 % de cotisation maladie sur la feuille de paye.

Le projet Macron repose sur un nouveau transfert de cotisations vers la CSG.
Les cotisations salariales Maladie ( 0,75 % ) et Chômage ( 2,40 % ) sont supprimées en 2018 pour les salariés du secteur privé, en compensation d’une hausse de la CSG de 1,7 % au 1er janvier.
La mesure est « vendue » à ces salariés du privé au nom d’une hausse à terme de leur pouvoir d’achat. Pour les fonctionnaires l’effet serait, par un système complexe, limité à un simple maintien du pouvoir d’achat. Quant à 60 % des retraités, la hausse de la CSG signifie une nouvelle diminution de leurs revenus ( pensions ).
Au-delà de l’aspect financier et de l’inégalité de traitement entre catégories de la population, le débat porte avant tout sur la nature même de la transformation de notre système de protection sociale.
La CSG a élargi l’assiette des prélèvements sociaux au-delà des seuls revenus du travail. Elle inclut les revenus de remplacement ( pensions de retraite, allocations Chômage … ) et les revenus du capital ( revenus du patrimoine ou de placement ).
Avec ce nouveau transfert vers la CSG, on s’apprête donc à franchir un cap en faisant oublier aux salariés et à l’opinion publique que les cotisations employeurs et salariés sont un élément du salaire socialisé* et ouvrent des droits sociaux ( prestations Maladie, Maternité, Chômage, Invalidité, Retraite ). La CSG quant à elle ne crée pas de droits.
Les cotisations matérialisent le fait que les richesses créées par le travail sont le pilier historique du financement de la Sécurité sociale et du modèle français auquel notre organisation syndicale est fortement attachée.
C’est d’ailleurs ce qui leur est reproché par le patronat et par les gouvernements successifs de droite et de gauche et de soi-disant ni de droite ni de gauche parlant des « charges sociales » qui pèsent sur le « coût du travail » et nuisent à la « compétitivité des entreprises ». C’est la justification des exonérations, allègements et suppressions des cotisations patronales, compensés en partie par des ressources fiscales et la part croissante de la CSG.
Rompre le lien avec les cotisations sociales grâce à la fiscalisation vers les ménages, donc en renforçant le rôle de l’État, enlève toute légitimité à revendiquer la gestion du système de Sécurité Sociale par les représentants des salariés.
Or, nous portons dans le SNES et dans la FSU cette revendication du retour à des élections de représentants des salariés pour gérer la Sécu.

* Le salaire socialisé ( ou mutualisé ) est formé par l’ensemble des cotisations sociales, dites salariales et patronales, pour répondre aux besoins des salariés face à la maladie, la maternité, la retraite, l’invalidité, au chômage ou aux charges familiales …

Ce qui se profile sur l’assurance chômage** est tout à fait révélateur.
Chaque salarié acquiert des droits à une indemnisation d’assurance chômage ( l’ARE, allocation d’aide au retour à l’emploi ) dont le montant et la durée dépendent des cotisations que lui et son entreprise ont versées. Le système est géré depuis 1958 par les « partenaires sociaux » ( 8 organisations syndicales et patronales ) au sein de l’Unedic.
Des discussions se sont ouvertes le 13 décembre entre ces partenaires sociaux et le gouvernement en vue d’une réforme de l’assurance chômage, que Macron veut, conformément à une promesse de campagne, étendre aux indépendants et aux démissionnaires.
Concrètement, artisans, commerçants, professions libérales, entrepreneurs et agriculteurs, qui ne peuvent bénéficier du chômage qu’à des conditions bien spécifiques, mais aussi auto-entrepreneurs et travailleurs des plateformes, seraient désormais soumis au même régime d’assurance chômage que les salariés.
Pour les démissionnaires, le candidat Macron voulait leur donner la possibilité de bénéficier de l’assurance chômage une fois tous les cinq ans. Le président a ébauché des critères plus restrictifs, notamment l’obligation d’avoir un projet professionnel.
L’élargissement du droit au chômage se révèle complexe et, même aux yeux de ses partisans, coûteux.
Il devrait conduire mécaniquement à une augmentation du nombre d’inscrits, avec donc plus de prestations à verser. Le souci, c’est que l’augmentation de la CSG ne compensera pas ces dépenses supplémentaire puisque, dans le même temps, les cotisations chômage et maladie sont supprimées.
Aussi l’OFCE ( Office Français des Conjonctures Économiques ) souligne : « On est en train de lui [ l’Unedic ] retirer des recettes et de lui ajouter des dépenses. La tentation sera forte de dire qu’il faut jouer sur la durée d’indemnisation et son montant ».
Conséquence, il y a très clairement le risque d’une baisse des allocations et d’un durcissement du contrôle des chômeurs ( déjà annoncé ) afin d’augmenter le nombre de radiations.

Sur la « gouvernance », les évolutions prévues à partir de 2018 ( avec le transfert des cotisations salariales chômage vers la CSG ) portent le gouvernement à vouloir asseoir « le rôle de l’État dans le financement d’une assurance chômage qui gagne en universalité ».
Des pistes en ce sens devraient être proposées d’ici fin janvier : il est fort à parier que le système passe d’une gestion paritaire par les partenaires sociaux à une gestion tripartite avec l’État.

Sur le fond aussi, le financement de l’assurance chômage est un sujet urgent à traiter.
Les revenus de remplacement doivent être financés par des cotisations perçues sur les revenus d’activité. On ne peut pas demander aux fonctionnaires ou aux retraités de financer par la CSG une prestation destinée aux actifs privés d’emploi du secteur privé ( salariés et indépendants ) à laquelle eux-mêmes ne peuvent, en aucun cas, prétendre. De plus, le financement du chômage par la CSG pourrait, à terme, se traduire par la transformation d’une allocation contributive, c’est-à-dire proportionnelle au salaire, en une allocation forfaitaire pour l’ensemble des chômeurs ( comme en Grande-Bretagne par exemple ). Ce, au nom d’une pseudo « équité » pour tous !!! Pire encore, la « réforme » pourrait créer « un filet de sécurité » minimal financé par l’impôt. La porte serait alors ouverte à un « 2ème étage » de l’assurance chômage sous forme d’une complémentaire ( comme dans l’assurance maladie ). On aurait bien, là, une rupture majeure dans notre système d’assurance chômage. Mais ce bouleversement satisferait les appétits de tous ceux qui veulent ouvrir au marché ce qui est aujourd’hui socialisé et qui représente des sommes énormes soustraites aux logiques commerciales et financières.

Ne les laissons pas faire !! !

** À propos de l’assurance Chômage, voir aussi l’article La Protection sociale