Bruno Mer, dans l’Université syndicaliste n°675, fait état du rapport de l’Observatoire National des Zone Urbaine Sensible. Encore un « Z », à croire que l’éducation prioritaire est toujours en dernière place !
Qu’est-ce qu’une Z.U.S. ?
Selon l’I.N.S.E.E., les zones urbaines sensibles (Z.U.S.) sont des territoires infra-urbains définis par les pouvoirs publics pour être la cible prioritaire de la politique de la ville, en fonction des considérations locales liées aux difficultés que connaissent les habitants de ces territoires.
La loi du 14 novembre 1996 de mise en œuvre du pacte de relance de la politique de la ville distingue trois niveaux d’intervention :
– les zones urbaines sensibles (Z.U.S.) ;
– les zones de redynamisation urbaine (Z.R.U.) ;
– les zones franches urbaines (Z.F.U.).
Les trois niveaux d’intervention Z.U.S., Z.R.U. et Z.F.U., caractérisés par des dispositifs d’ordres fiscal et social d’importance croissante, visent à répondre à des degrés différents de difficultés rencontrées dans ces quartiers.
Des moyens en plus ?
Tous les ministères sont normalement concernés par la politique de la ville. Au niveau d’un collège, les effets de ces politiques doivent normalement être visibles et passer par différents biais (intervention de la ville, contrat avec le Conseil Général, rectorat…) et cela conduit donc à une multitude de dispositifs se chevauchant, pour lesquels chaque acteur politique a intérêt à communiquer. On arrive donc très vite à une politique de saupoudrage avec quelques HS pour les enseignants et des recrutements de temps partiels et précaires en tout genre.
Concrètement, quelle est la réalité dans l’académie de Grenoble ?
L’académie compte 24 Z.U.S., dont les cartes sont disponibles sur le site du Ministère de la ville :
– Ardèche (07) Annonay : Le Zodiaque.
– Ardèche (07) Aubenas : Les Oliviers.
– Drôme (26) Donzère : L’Enclos.
– Drôme (26) Montélimar. Quartiers Ouest : Pracomtal, Grange Neuve, Bagatelle, Le Plan, Jean Moulin.
– Drôme (26) Pierrelatte : Le Roc.
– Drôme (26) Romans-sur-Isère : La Monnaie.
– Drôme (26) Valence : Le Polygone.
– Drôme (26) Valence : Valence le Haut : Fontbarlette, Le Plan.
– Isère (38) Chavanoz : Moulin Villette.
– Isère (38) Echirolles : La Villeneuve : Les Essarts, Surieux.
– Isère (38) Fontaine : Floralies.
– Isère (38) Grenoble : Mistral.
– Isère (38) Grenoble : Teisseire, L’Abbaye, Jouhaux, Châtelet.
– Isère (38) Grenoble : Village Olympique, La Villeneuve : Arlequins, Baladins.
– Isère (38) Pont-Evêque : Le Plan des Aures.
– Isère (38) Saint-Martin-d’Hères : Renaudie.
– Isère (38) Saint-Martin-le-Vinoux : Pique Pierre, Buisserate.
– Isère (38) Vienne : Grand Estressin, Portes de Lyon.
– Isère (38) Vienne : Malissol.
– Isère (38) Villefontaine : Servenoble, Saint Bonnet, Les Roches.
– Savoie (73) Chambéry : Chambéry le Haut, Chantemerle, Le Piochet, La Cassine.
– Savoie (73) Chambéry : Le Biollay, Bellevue.
– Haute Savoie (74) Annemasse : Le Perrier.
– Haute Savoie (74) Cluses : Les Ewües.
Les taux de réussite au diplôme national du brevet sont supérieurs dans les Z.U.S de l’académie par rapport à la moyenne nationale des Z.U.S. Mais, le taux de réussite au D.N.B. dans l’académie est également supérieur au taux de réussite moyen au niveau national. Donc, pas de quoi pavoiser car les écarts nationaux se retrouvent au niveau académique. L’appartenance sociale des élèves est également à prendre en compte car la proportion des élèves appartenant à des classes favorisés dans les collèges des Z.U.S. de l’académie est supérieure à la moyenne nationale.
Pour prendre l’exemple de la Savoie, le taux de réussite au D.N.B dans les Z.U.S. du département était de 78.9 % en 2006, à 3,3 points de la moyenne départementale et seulement 0,5 points de la moyenne nationale ! Sauf que ce taux exceptionnel n’est lié qu’à un seul établissement où les personnels font état d’une situation qui se dégrade continuellement depuis plusieurs années et où les élèves les plus en difficultés ne se présentent pas au D.N.B. L’illusion statistique cache donc une réalité beaucoup plus sombre, illusion que l’O.N.Z.U.S dénonce également en mettant en parallèle la baisse du taux de chômage et la hausse des emplois les plus précaires. Pour rester en Savoie, nous pouvons facilement imaginer, dans un exercice de syndicalisme-fiction, les effets sociaux de la baisse du nombre de chômeurs quand les habitants de la Z.U.S. vont faire quelques heures de ménages dans la zone commerciale à l’autre bout de la ville entre 18h et 21h.
Le rapport de l’O.N.Z.U.S. n’a également pas pu prendre en compte les modifications des publics liées à l’assouplissement de la carte scolaire à cause duquel, pour prendre trois collèges en Z.U.S. ou à la périphérie d’une Z.U.S. (Henri Wallon – 32 élèves en moins, Villeneuve – 65 en mois, Jean Vilar – 66 en moins), les effectifs baissent cruellement et l’effet de ghetto augmente.
Derrière les chiffres et statistiques qu’égraine l’O.N.Z.U.S. transparait une situation sociale qui s’aggrave de jour en jour. Hausse illusoire de la réussite au D.N.B. contre une paupérisation de ces quartiers, une mixité sociale qui diminue, un accroissement des emplois précaires, toutes ces données confortent l’analyse du SNES de la nécessité d’une véritable politique d’éducation prioritaire engageant l’ensemble des ressources publiques. La cuvée du Plan Banlieue 2008 annoncée en grande pompe à l’Ecole polytechnique ne méprise qu’un peu plus nos élèves avec tout de même une ambition supplémentaire : alors que Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, voulait envoyer les « jeunes de banlieue » dans des casernes militaires, Nicolas Sarkozy loue la politique de Sciences-PO et de Polytechnique vers les lycéens méritants. A quand le bicorne et l’épée à l’entrée des établissements des Z.U.S. pour ces élèves ? Les non-méritants n’auront qu’à bien se tenir !
Un point positif pour les personnels ?
Ne voyons pas tout en noir. Le fait de travailler en Z.U.S. a tout de même un point positif : l’A.I.P. P.I.P Ville, qui permet à tous de toucher (sous conditions de ressources) une aide à l’installation. Sauf que... à y regarder de près, autant les collèges La Villeneuve, Côte-Rousse, Gaston Bachelard sont en Z.U.S., beaucoup comme Henri Wallon, Jean Vilar, Michel Servet peuvent voir les limites de la Z.U.S au bout de leur rue. Heureusement que nous ne bénéficions pas d’aides ou de primes pour enseigner dans des zones à risques nucléaires ou industriels ! Mais il est bien connu que les nuages ne passent pas les portails sans carnet.