Des collègues nous ont alertés de l’existence d’une liste des RRS de l’académie sur le site ministériel consacré à l’éducation prioritaire. Petit rappel, les RAR et les RRS sont les nouvelles dénominations des établissements de l’éducation prioritaire depuis la réforme de 2006. Les RAR, le seul collège Lucie Aubrac à Grenoble, sont définis par le ministre et la constitution des RRS est de la compétence du recteur. Cette réforme change profondément la politique scolaire de l’éducation prioritaire.
Cette nouvelle liste laisse apparaître une profonde refonte de la carte de l’éducation prioritaire.
L’ensemble des LP et le lycée de Pont-de-Chéruy ne seraient plus concernés. 15 collèges sortiraient de l’éducation prioritaire et 4 entreraient dans l’académie. Au total, ce seraient près de 10 000 collégiens et lycéens qui seraient concernés (40 % des élèves du secondaire des REP de l’académie).
La logique de son élaboration est difficile à cerner. A comparer les établissements « entrants » et les « sortants », les critères sociaux et de réussite des élèves ne permettent pas de comprendre ce classement. Par exemple, le collège « sortant » ZEP Champ-Fleuri de Bourgoin-Jallieu, non repris dans la liste RRS, connaît une situation sociale proche de celle du collège de l’Edit de Saint-Maurice-l’Exil, tout comme pour celle du taux de réussite au DNB. La seule différence concerne la part des élèves de 12 ans à l’entrée en 6e (25 % à Bourgoin et 17 % à Saint-Maurice-l’Exil) et celle des élèves de 15 ans (27 % à Bourgoin et 33 % à Saint-Maurice-l’Exil). Conclusion, les élèves ont une meilleure scolarité au collège classé ZEP, collège ZEP que l’on fait sortir de la liste des RRS. Pour prendre l’exemple du département de la Drôme, le collège Europa de Montélimar est annoncé comme sortant de la liste RRS, alors que tous les indicateurs traduisent une situation plus difficile que celle du collège de Loriol-sur-Drôme.
Interpellés par les collègues du SNES, les IA de la Drôme et de l’Isère n’étaient pas au courant de cette liste. Mais, en urgence, l’IA de l’Isère a convoqué les coordonnateurs des REP afin d’expliquer les priorités pour les années 2010-2013 et aussi de préciser les modifications concernant les établissements en réseau. Le fonctionnement en REP est maintenu jusqu’en 2011 sans changement y compris pour les établissements « sortants » cette année. Reste que 2011, c’est l’année prochaine…
Pour le secrétaire général de l’académie, les RRS ne sont qu’une nomenclature ministérielle destinée à une utilisation statistique mais ne remettent pas en cause, pour le moment, la carte des ZEP, ni l’attribution de l’indemnité de sujétion spéciale qui reste le seul élément associé au label ZEP (les éventuels moyens spécifiques sont désormais attribués sur d’autres critères).
Le sentiment que nous avons à la section académique est que l’administration ne semble pas connaitre les textes qui régissent aujourd’hui l’éducation prioritaire.
La circulaire de « relance » de l’éducation prioritaire de 2006 stipule que « Pour l’ensemble de l’éducation prioritaire, il convient qu’un collège devienne l’unité de référence du réseau qu’il crée avec les écoles élémentaires et maternelles d’où proviennent ses élèves. Sur ce modèle, en lieu et place des réseaux existants dans l’éducation prioritaire, se structurent les 249 réseaux “ambition réussite” et les autres réseaux dits “de réussite scolaire”. » Cela veut bien dire que les ZEP et REP doivent disparaitre à terme et que seuls les collèges sont concernés, les lycées n’étant plus mentionnés.
Si nous suivons la politique initiée dans d’autres académies, nous ne pouvons qu’être sceptiques au sujet des explications du rectorat de Grenoble. Déjà, en 2008, le rectorat de Besançon a établi la liste des RRS, ce qui s’est traduit par la sortie de l’éducation prioritaire de 5 secteurs ZEP/REP de cette académie.
Il est fort à parier que le rectorat entretient le flou et joue sur les multiples dénominations afin de pouvoir individualiser la répartition des moyens entre les établissements. Le secrétaire général indique bien que les « éventuels moyens spécifiques sont désormais attribués sur d’autres critères », et donc en fonction des contrats d’objectif, comme c’est déjà le cas dans de nombreux départements en France et en Drôme dans notre académie. Cela signifie qu’il n’existe plus de mention des établissements en ZEP pour les effectifs par classe dans la répartition des moyens, mais que les moyens sont attribués en fonction du contrat, dans la plus grande opacité. En jouant sur la superposition des structures, le rectorat peut aisément revenir sur les moyens attribués à chaque établissement, tout en attribuant aux collègues des établissements ZEP l’ISSZEP.
Quand le rectorat décidera-t-il d’économiser quelques euros sur le dos des personnels et des élèves ?
Les récentes fiches Chatel font de la hausse des effectifs par classe un moyen d’économiser des postes, niant les études sur le rôle bénéfique de la baisse des effectifs par classe, condition de réussite sine qua non de beaucoup d’élèves. Les premières victimes de ces mesures comptables seront donc les élèves, et parmi eux, les élèves les plus en difficulté.
Derrière cette liste, c’est donc une conception de l’Ecole qui est en jeu. En faisant sortir les lycées, le ministère souligne de fait la mise en place d’une Ecole à deux vitesses où les élèves issus des milieux populaires n’auraient pas pour vocation à continuer leurs études dans l’une des trois voies du lycée, mais bien à s’arrêter en fin de troisième. Pour ces établissements, le socle est l’objectif cible, et seuls les plus méritants pourront continuer aux lycées. L’assouplissement de la carte scolaire, la possibilité donnée aux élèves de troisième issus des établissements de l’éducation prioritaire de choisir leur lycée s’ils ont obtenu la mention « Très bien » au DNB est une conséquence de cette politique.
Quand cette liste pourra-t-elle avoir une traduction pour les établissements ?
La seule date à notre connaissance est celle de 2011, comme l’indique l’IA de l’Isère. Cela veut dire que le processus de contractualisation des établissements et donc l’attribution des moyens en fonction des critères retenus pour l’évaluation des résultats des établissements sera opérationnel à la rentrée 2011. En attribuant les moyens en fonction des contrats d’objectif, le rectorat ne cherche qu’à dynamiter l’éducation prioritaire en rendant les équipes responsables des résultats qu’elles obtiennent au nom du leitmotiv de « Faire mieux, avec moins », avec le risque d’une mascarade d’évaluation des élèves.
Déjà la mobilisation gagne les établissements « sortants » dans le Nord Isère. La réponse de rectorat n’a été que de signifier à la presse que nos collègues se mobilisent pour défendre leur indemnité, alors que ce combat, du fait de l’ampleur de la mobilisation, n’a rien d’une lutte « corporatiste » dans laquelle le rectorat souhaite l’enfermer. Il s’agit bien de l’avenir du service public d’éducation dont il est question !
En cette fin d’année, pour répondre aux conclusions du rapport de l’Inspection générale de 2005 sur l’éducation prioritaire dans l’académie de Grenoble qui est « entre confusion et déshérence », on ne peut que paraphraser le rectorat : beaucoup d’établissements de l’académie de Grenoble n’ont pas être en ZEP. La preuve ? On y va en vacances !