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Dans un courrier adressé au ministre, les personnels de direction du SGEN-CFDT de l’académie de Grenoble, affirment que « le SGEN partage en grande partie les constats faits par le ministère et voit dans le projet de loi de refondation de l’école de nombreux éléments positifs… ». Toutefois « ces premiers pas [leur] semblent néanmoins timides ». La principale raison de cette esquisse d’une tentative d’ébauche de critique réside dans « les concessions faites à la FSU » et à ses « résistances corporatistes ». Notre fédération est citée à trois reprises peu flatteuses dans cet étonnant courrier dont le principal objet semble donc bien être une mise en cause de la FSU, et, de la part de chefs d’établissement du second degré, du SNES, même si nous ne sommes pas nommément cités.
Une ignominie répétée avec force ne devenant vérité qu’aux yeux des imbéciles, au-delà de la protestation que nous ne manquerons pas d’adresser aux auteurs de ce libelle, tentons de vérifier ce qu’il en est de cette accusation.
Sommes-nous corporatistes lorsque nous portons le projet d’un second degré pour toute une génération, avec l’objectif de permettre à tous les jeunes d’accéder à un baccalauréat, premier grade universitaire et clé d’entrée de l’enseignement supérieur, diplôme nécessairement anonyme pour rester national et équitable ?
Nous connaissons les réalités de la société française, de ses inégalités sociales et culturelles ; nous savons que notre objectif ambitieux suppose de mettre davantage de moyens où sont les plus grandes difficultés, de l’école maternelle au collège ; nous avons théorisé la nécessaire diversification au lycée, par les trois voies, générale, technologique et professionnelle, mais nous refusons d’en rabattre sur les ambitions et sur l’objectif. Ce n’est pas le cas du SGEN-CFDT qui, au nom de « l’école du socle », entend faire du collège primarisé, la limite du droit à l’éducation pour tous, tandis que sous le flou vaporeux du « moins trois plus trois » [1], il prétend faire du lycée une propédeutique au supérieur, dont la licence ne concernerait que 50% d’une classe d’âge.
Corporatistes nous le sommes assurément, lorsque depuis des années avec la FSU nous tentons de construire une action forte de l’ensemble des fédérations de fonctionnaires et nous nous heurtons aux « vetos » répétés de la CFDT et de l’UNSA, encore absentes le 31 janvier dernier, contre la journée de carence et la paupérisation des fonctionnaires : un point d’indice qui perd au minimum de 0.7 à 1.2 de valeur par an depuis la désindexation de 1983, cela finit par représenter 4 mois de salaire !
Corporatiste le SNES et le SNEP l’ont été en 1989, lorsque, à l’initiative de la lutte des personnels, malgré notre fédération de l’époque, dont la direction s’est fondue dans l’UNSA depuis le sabordage de la FEN, nous avons arraché la dernière grande et véritable revalorisation de nos métiers, « revalo » aujourd’hui effacée par l’érosion constante de la valeur du point d’indice.
Corporatiste, la toute jeune FSU l’a été en 1995 en combattant, avec les véritables confédérations ouvrières, le projet Juppé de démantèlement de notre protection sociale, imposant le retrait du projet, alors que la CFDT avait déjà renoncé à défendre cet acquis.
Corporatistes, nous l’avons encore été en 2003, en nous mobilisant pour la défense du régime des pensions, au moment où la CFDT avait déjà accepté le principe de la surcote, et contre une régionalisation qui sous couvert de décentralisation visait surtout à implanter de nouvelles féodalités et à distribuer des fromages. Exiger que l’éducation reste nationale peut apparaître « corpo » ou « archaïque », mais c’est pour nous une condition d’égalité entre les territoires.
Corporatistes, nous l’avons été de 2007 à 2012, en luttant, souvent seuls, parfois au sein de mouvements plus larges contre le projet de société du « Fouquet’s » et son projet éducatif visant à démanteler tous les repères, garanties et droits collectifs, au premier rang desquels, l’école républicaine et singulièrement le second degré.
Dans ce combat, nous n’avons pas toujours gagné ; la question des retraites reste un souvenir amer, mais il est étonnant que tous ceux que nous avons vus défiler sous leurs bannières à cette occasion ne soient plus à l’unisson pour continuer à exiger le retour à une retraite à taux plein pour tous à 60 ans. Que dit aujourd’hui la CFDT à ce sujet ? Il nous semblait pourtant avoir fait passer le message que le problème n’était pas de démographie mais d’équité dans la répartition des richesses !
Le SNES est le syndicat des enseignements du second degré et non des seuls enseignants ; le développement littéral de son sigle dit bien sa double finalité : syndicat national il est le défenseur des intérêts matériels et moraux des personnels de son champ de syndicalisation, mais il est également porteur d’un projet éducatif et donc partie prenante du projet de société.