8 février 2020

Retraite et Protection sociale

2 - L’« âge pivot » : le leurre du retrait et l’art de jouer sur les mots

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Le système actuel de retraites a déjà subi de nombreuses dégradations au fil des réformes successives. Mais, avec le projet Macron, le bouleversement est gravissime et repose sur plusieurs piliers destructeurs.
Commençons déjà par « l’âge pivot ».

Le retrait provisoire de « l’âge pivot » a été présenté par le premier ministre comme un compromis : « Je suis disposé à retirer du projet de loi la mesure de court terme que j’avais proposée, consistant à converger progressivement à partir de 2022 vers un âge d’équilibre de 64 ans en 2027 ».
Il s’agit d’un leurre et ce pour plusieurs raisons.

En effet, il faut d’abord qu’il existe dans le projet de retraites gouvernemental deux références d’âge, en somme deux « âges pivot » !

Le premier, provisoirement retiré est celui qui devait permettre de réaliser 12 milliards d’euros d’économies pour rétablir l’équilibre de l’Assurance vieillesse au moment de la mise en place du nouveau système universel de retraite par points en 2027.
Il devait s’appliquer à celles et ceux né.es entre le 1er janvier 1960 et le 31 décembre 1964 en augmentant de quatre mois chaque année en moyenne pour atteindre 64 ans. Dans ce système une décote ( 5 % par an ) est instaurée pour tout départ avant cet « âge pivot », même si la durée d’assurance requise ( en annuités ou trimestres ) est atteinte. Une surcote est envisagée en cas de départ au-delà de cet « âge pivot » mais à la condition d’avoir la durée d’assurance requise.
Le retrait provisoire de cet « âge pivot » est conditionné aux propositions issues de la conférence de financement réunissant les « partenaires sociaux » et qui doit se conclure fin avril. Édouard Philippe n’a cessé de le répéter, il faut trouver un financement sans augmenter « le coût du travail » c’est-à-dire les salaires et les cotisations sociales. Donc, quelles solutions ? Le report de l’âge légal ( Macron n’en veut pas ) ? L’allongement de la durée de cotisation ( dans le prolongement de la réforme Touraine, au-delà des 43 annuités ou 172 trimestres ) ? Ou bien la réintroduction de « l’âge pivot » ?
Le premier ministre a averti «  qu’il prendra ses responsabilités  ». si aucun compromis n’est trouvé : «  l’exécutif prendra par ordonnance les mesures nécessaires pour atteindre l’équilibre d’ici 2027  ».

Si Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, martèle que «  l’âge pivot n’est pas dans la loi », son synonyme, « l’âge d’équilibre », lui, est bel et bien la pierre angulaire de la réforme.
On joue sur les mots !!!
Cet « âge d’équilibre » concerne les générations qui partiront à la retraite à partir de 2027.
Il est inscrit dans l’article 10 du projet de loi qui stipule qu’il «  sera fixé par une délibération de la Caisse nationale de retraite universelle, en tenant compte des projections financières du système. À défaut, l’âge d’équilibre évoluera à raison des deux tiers des gains d’espérance de vie à la retraite constatés  ».
Dans l’étude d’impact qui accompagne le projet de loi il est précisé à la page 197 :
«  L’âge du taux plein du système universel qui sera fixé à l’entrée en vigueur du système par l’instance de gouvernance du système universel de retraite, est, dans le cadre de ces exercices de micro-simulation et de manière conventionnelle, fixé à 65 ans pour la première génération concernée ( née en 1975 )  ».
Il est donc officiellement prévu que l’ « âge d’équilibre », ici dénommé « âge du taux plein », recule d’année en année :
«  Il augmente ensuite d’un mois par génération pour tenir compte des gains d’espérance de vie projetés par l’INSEE, selon une règle de partage entre la durée de vie active (2/3) et la durée de vie en retraite (1/3)  ».
Il atteindrait ainsi 66 ans et 3 mois pour la génération née en 1990, et 67 ans pour celle née en 1999.


L’objectif affirmé de cette réforme est bien de reculer indéfiniment l’âge de départ à la retraite pour contraindre les salariés à travailler plus longtemps … comme dans la majorité des pays développés et… c’est logique, puisqu’on vit plus vieux !!!
Vous avez dit réforme de progrès social ?



- Marie-Laurence MOROS -


Sur le même thème, voir :

« RETRAIT » DE L’ÂGE PIVOT = FAKE NEWS ?! ( ET IL Y A PIRE ! ), présentation de Tatiana Ventôse sur « Le Fil d’Actu » - 15 ’.


et

RETRAITES MACRON : L’ARNAQUE DE L’ÂGE PIVOT, sur la chaîne « Osons Causer » - 12 ’.


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