Actes du colloque du 25 janvier 2018
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1 - Introduction - 2 - Historique et évolution - 3 - Des conceptions diverses - 4 - Des solidarités menacées - 5 - Des solidarités à conquérir
Documents :
Irremplaçable Protection sociale ( Suppl. US Mag ) - Sécurité Sociale par Frédéric PIERRU - Bénévolat, Aidants, Associations... par Annie EVENO - Fin de carrière / Retraites par Benoît TESTE
La solidarité envahit toutes les sphères du syndical, du politique, du social, de l’économique et même du juridique.
On parle de solidarité entre public et privé, entre titulaires et non-titulaires, de solidarité entre actifs et retraités, entre jeunes et personnes âgées, entre malades et bien-portants.
Et un syndicat, c’est avant tout une organisation fondée sur la solidarité entre tous les salariés, quels que soient leur secteur d’activité, leur métier, leur qualification et leur âge.
Le 18 avril 2017, Emmanuel Macron, alors candidat à la fonction de Président de la République, avait choisi de s’adresser aux retraités pour les « rassurer » sur sa politique à venir :
« Je veillerai à ce que les 40 % de retraités les plus modestes soient exonérés de l’augmentation de 1,7 points de la Cotisation Sociale Généralisée. J’ai conscience que cette mesure, destinée à favoriser l’activité, supposera un effort de la part des retraités non exonérés mais cet effort sera juste et équilibré [...]. C’est une mesure qui renforcera en actes la solidarité intergénérationnelle car grâce à vous, nous redonnerons du pouvoir d’achat à vos enfants et à vos petits-enfants après une décennie au cours de laquelle il n’a que très peu augmenté. »
Détournement de sens ?
On en reparlera dans notre journée.
On compte sur les solidarités familiales quand les grands-parents se consacrent largement à la garde de leurs petits-enfants et à des activités avec eux ou quand les « aidants » s’occupent de leurs parents âgés en état de dépendance.
On fait appel à nos dons dans des opérations très médiatisées de solidarité comme le Téléthon pour la recherche médicale.
On voit l’importance dans la vie sociale de notre pays, face à la montée de la pauvreté et de la précarité, des associations de solidarité comme le Secours Populaire ou les Restos du Cœur, fonctionnant surtout grâce aux bénévoles.
On connaît tous, sur le terrain humanitaire, les actions de solidarité internationale d’ONG qui interviennent lors de conflits, de catastrophes naturelles, comme Médecins du Monde.
On parle beaucoup de l’Économie Sociale et Solidaire ( l’ESS, avec les coopératives, les mutuelles... ) dont une finalité vise à l’intérêt général ou collectif – lutte contre l’exclusion, insertion sociale ou professionnelle, lutte contre le gaspillage alimentaire, etc… Là aussi, on peut s’interroger parfois sur le contenu solidaire et l’instrumentalisation, la récupération, la banalisation de l’ESS par L’État et le système libéral.
Dans des conditions d’accueil des populations migrantes de plus en plus difficiles, on voit apparaître un « délit de solidarité » qui sanctionne l’aide apportée à des personnes en situation irrégulière. Choquant, n’est-ce pas ?!!!
Ce mot, mis à toutes les sauces, recouvre des conceptions bien différentes.
Mais de quoi parle-t-on ?
De simple entraide sous des formes variées ? De coopération dans un esprit d’intérêt général ?
Non, il s’agit d’une notion beaucoup plus complexe.
Dans le corps social, cette solidarité va être organisée collectivement et, même, institutionnalisée en se laïcisant, ce qui marque une rupture importante.
En effet, dans la religion chrétienne, la charité est comprise comme une forme d’expression de la solidarité. Elle restera longtemps dominante, associée à la bienfaisance et l’assistance aux pauvres et aux malheureux que l’Église gère pendant des siècles avec le soutien de la bourgeoisie.
Dans le monde ouvrier, les solidarités professionnelles se structurent avec les caisses de Secours mutuel face aux accidents du travail, à la vieillesse, etc… L’État intervient avec des lois sociales et ainsi naît au XIXème siècle la solidarité nationale qui se développe au XXème siècle.
Un système de Protection sociale se construit. Il désigne tous les mécanismes de solidarité collective, permettant aux individus de faire face aux conséquences financières des "risques sociaux". Un projet de société juste et solidaire est inscrit dans le programme du CNR à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il s’illustre avec la création de la « Sécu » - par Ambroise Croizat, en 1945 - selon le principe fondateur de notre modèle social et émancipateur pour les travailleurs, de « à chacun selon ses moyens » à « à chacun selon ses besoins ».
Ces points seront développés en 1ère partie.
La notion et les principes de solidarité ont évolué au fil de l’Histoire dans un contexte économique et social qui s’est modifié et continue d’évoluer. Son organisation et son financement ( cotisations sociales et/ou impôts ) se modifient aussi. Alors que les besoins de solidarité collective ne cessent d’augmenter, ses moyens se heurtent à la réduction des dépenses publiques et sociales.
Aujourd’hui, divers types de solidarités peuvent coexister : familiales, associatives ou humanitaires et nationales. Elles constituent ainsi des univers complémentaires et/ou, au contraire, antagonistes.
Des stratégies privées et individuelles, profondément inégalitaires, se développent de plus en plus, et la marchandisation avance, par exemple dans l’assurance Maladie. Face à ce mouvement, la reconquête de la Sécu ou le « 100 % Sécu » n’est pas une utopie. Nous le verrons tout à l’heure.
Nous avons des débats à mener dans le cadre de notre projet de société solidaire sur la « sortie du travail », sur la retraite en bonne santé et sur le droit à bien la vivre. Nous avons des propositions à construire, à améliorer, à populariser. Nous savons que nous avons et aurons des luttes à mener dans le SNES et dans la FSU.
Comment les mener et avec qui ? Voilà notre actualité, et pas seulement aujourd’hui dans ce colloque, pour que les solidarités restent porteuses d’avenir et de progrès social.
Cf. le dosier en supplément à l’US MAG n° 775 - « Irremplaçable protection sociale » du 19 janvier 2018 - dont Benoît Teste ici présent est l’un des co-auteurs.
En forme d’intro à ce qui suit , voir aussi cette brève ( 13’ ) - et stimulante - présentation de l’histoire de la Sécu, des enjeux et débats actuels autour de celle-ci, par l’historienne Mathilde Larrère ( émission du site « Arrêt sur Images » - janvier 2017 ), aux côtés de notre invité, Frédéric Pierru, et de Gilles Perret ( réalisateur du film « La Sociale » ).
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L’émission complète « Sécu : Parlons du trou de mémoire et non du trou financier » dont est extraite cette chronique se trouve ici, sur le site de @sI ( 1h environ, en accès réservé ).