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La volonté de Nicolas Sarkozy d’investir cette journée de luttes des travailleurs, volonté assortie d’une véritable déclaration de guerre aux syndicats — ou pour reprendre les termes de son conseiller spécial aux permanents syndicaux » — n’est pas la première tentative de la droite la plus réactionnaire pour récupérer cette date emblématique. Il semble donc nécessaire de faire quelques rappels.
Aux origines, les martyrs de Chigago
En 1884, les syndicats américains de l’AFL décident de commencer le 1er mai une action pour obtenir la journée de huit heures. Ils se donnent deux ans pour obtenir ce résultat. Le 1er mai 1886 de nombreux travailleurs américains obtiennent satisfaction mais la résistance de certains patrons déclenche une grève générale largement suivie, en particulier à l’usine McCormick de Chicago où, le 3 mai, une manifestation de grévistes, sévèrement réprimée par la police, verra trois manifestants tués. Le lendemain, une manifestation contre les violences policières se traduit par une nouvelle charge de police au moment de la dispersion ; un engin explosif tue un policier, sept autres sont tués dans l’affrontement qui suit tandis que dans la foule, on compte de nombreux blessés par les tirs de police. Huit syndicalistes sont arrêtés et condamnés, pour leur responsabilité syndicale, sans que leur responsabilité directe soit démontrée. Sept sont condamnés à mort et quatre seront pendus, un autre se suicide en prison, les peines des autres sont commuées en prison à perpétuité.
En 1889, la jeune (1885) IIe Internationale décide de faire de la date du 1er mai une journée mondiale de lutte pour la réduction du temps de travail et la journée de huit heures.
1891, le massacre de Fourmies
C’est dans ce cadre que le 1er mai 1891, la manifestation de Fourmies, petite ville industrielle et ouvrière du Nord de la France, est l’objet d’une sanglante répression : la troupe ouvre le feu sur une foule désarmée et provoque neuf morts et trente-cinq blessés. Les tout nouveaux fusils Lebel de l’armée de la République ont été inaugurés contre le peuple ouvrier.
La seconde Internationale réaffirme quelques mois plus tard le caractère revendicatif et international de cette date du 1er mai.
En France ce massacre devient, comme la semaine sanglante 20 ans plus tôt, l’un des événements de référence de la mémoire ouvrière et contribue à l’unité du mouvement ouvrier : création de la CGT en 1895 et de la SFIO en 1905.
Après la première guerre mondiale, les travailleurs français obtiennent la journée de huit heures et le premier mai sera chômé. Mais cette journée reste celle de la commémoration des martyrs de Chicago et de Fourmies, des revendications communes à l’ensemble des travailleurs, en termes de salaires, de conditions de travail et de droits syndicaux et de solidarité internationale.
En 1947, cette journée devient officiellement un jour chômé et payé.
Des tentatives anciennes de récupération.
En 1941, dans le contexte de collaboration, d’interdiction des syndicats ouvriers, de corporatisme inspiré du fascisme et de « révolution nationale », le gouvernement de Vichy fait du 1er mai une « Fête du travail et de la concorde sociale » qui coïncide avec la St Philippe.
En 1955, le Pape Pie XII instaure une St Joseph, artisan et donc saint patron des travailleurs, qui doit être célébrée le 1er mai.
Depuis une vingtaine d’années, le FN tente de disputer au mouvement social et syndical l’actualité de ce jour commémoratif en invoquant la fête d’une héroïne plus mythique qu’historique, au sujet de l’existence de laquelle de nombreuses questions restent en suspens.
L’initiative du marquis de Nagy-Böcsa se situe donc bien dans cette tradition réactionnaire ; il ne lui manque plus que d’entonner ensemble le refrain de « Pitié mon dieu », tube de tous les antirépublicains des années 20 et 30 du siècle passé — « Dieu de clémence, O Dieu vainqueur ! Sauvez, sauvez la France, au nom du Sacré Cœur ! » — pour compléter le tableau !