Alors que le troisième cycle des concertations avec les organisations syndicales débutent, la première ministre, Elisabeth Borne, a dévoilé jeudi 1er décembre dans un entretien au Parisien (voir fichier joint) les grandes lignes du projet de réforme des retraites, qui sera présenté aux « partenaires sociaux » à partir du 15 décembre. Calendrier, âge de départ, régimes spéciaux, carrières longues, tous ces sujets « inflammables » sont abordés.
« Les chiffres sont là, ils sont implacables. On a un déficit qui dépassera les 12 milliards d’euros en 2027 et continuera à se creuser si l’on ne fait rien », a expliqué la cheffe de gouvernement en préambule.
Il n’y a pas de déséquilibre à long terme et le système n’est pas menacé. Même le COR, dans son dernier rapport, affirme qu’il n’y a rien d’alarmant. Le déficit des retraites est maîtrisable : « le système de retraites serait déficitaire en moyenne sur les vingt-cinq prochaines années », mais ses travaux « ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite ». Une nouvelle réforme n’est pas indispensable. La question de fond est celle de recettes supplémentaires à dégager et les solutions existent pour couvrir les besoins (augmentation des salaires et des traitements, égalité salariale femmes-hommes, réduction massive du chômage, taxation des revenus financiers …).
L’âge de départ à 65 ans est donc bel et bien l’objectif de l’exécutif et demeure un « engagement porté dans la campagne », rappelle Mme Borne.
Qui sera concerné par cette réforme ? La locataire de Matignon affirme que « la réforme s’appliquera à partir de l’été 2023 », en commençant par ceux nés « au deuxième semestre 1961 ». Un « report progressif à 65 ans d’ici 2031 » permettrait « de ramener le système à l’équilibre dans les dix ans ».
A partir de la génération née en juillet 61, le report serait d‘une brutalité inouïe : 4 mois, chaque année, de report de l’âge légal de départ à la retraite à partir de 2023, pour le porter à 65 ans fin 2031.
Autre question qui semble tranchée, celle des régimes spéciaux. « La logique de cette réforme, c’est que les nouveaux recrutés des régimes spéciaux seront affiliés au régime général d’assurance-vieillesse, comme tous les salariés du privé », a précisé Mme Borne.
Les régimes spéciaux (RATP, SNCF, Industries Electriques et Gazières, Banque de France etc ...) et leurs salariés qualifiés de « privilégiés » dans le discours libéral, sont particulièrement visés par le projet. Cet alignement sur le privé concernerait les « nouveaux recrutés ». C’est la "clause du grand-père" à l’image de ce qui est déjà en vigueur à la SNCF. Ce processus serait l’aboutissement d’une uniformisation déjà entamée avec la réforme de 2010.
Quid de la Fonction Publique ? Des mesures sur les catégories actives dont certaines seraient touchées par le report de l’âge ; l’élargissement de la retraite progressive du privé aux fonctionnaires mais on est loin de notre revendication d’une CPA (Cessation progressive d’activité).
Quel avenir du Code des Pensions civiles et militaires ? Le silence … peut-être du nouveau pendant ou à l’issue des concertations dans la Fonction publique sur les carrières et les rémunérations qui débuteront en 2023.
Qu’en est-il des carrières longues ? « Le principe sera maintenu et même assoupli pour ceux qui ont vraiment commencé à travailler très tôt », promet Elisabeth Borne. « On souhaite également dans ce cadre prendre en compte les périodes de congé parental dans le calcul de la durée de cotisation. » La cheffe du gouvernement a également suggéré que les jobs d’été soient désormais pris en compte.
Ce dispositif de carrières longues permet à un salarié de partir à la retraite deux ou quatre ans avant l’âge légal. L’objectif de ce maintien serait de tenir compte de la situation des salarié.es qui ont commencé à travailler avant 20 ans et cotisé au moins quatre ou cinq trimestres avant ces 20 ans, qu’il s’agisse de jobs d’été ou d’une vraie entrée dans la vie professionnelle. Si l’âge légal de départ est porté à 65 ans par la réforme, ces salarié.es pourraient donc partir à 63 ans ou 61 ans, en fonction de leur situation. Le second dispositif permet de partir quatre ans plus tôt et concerne lui une toute petite minorité de salarié.es : celles et ceux et qui ont réuni au moins quatre ou cinq trimestres avant leur 16 ans. Elisabeth Borne envisage "d’assouplir" ce dispositif pour en faire bénéficier un plus grand nombre de personnes, celles qui ont commencé à travailler avant leur 18 ans.
Pourquoi l’insistance sur ce point de la réforme ? Parce que les carrières longues sont une « grande avancée » revendiquée par la CFDT. Son maintien et quelques miettes concédées dans les soi-disant négociations, pourraient détacher cette confédération du front syndical unitaire de refus de la réforme sur le recul de l’âge légal ? C’est certainement cet espoir de division qui motive la première ministre.
Mais « on peut discuter d’un autre chemin », a-t-elle assuré, tout en excluant d’emblée « de baisser le montant des retraites ou d’alourdir le coût du travail par des cotisations supplémentaires ».
« Discuter d’un autre chemin » ? Lequel ? 64 ans au lieu de 65 ans ? Cette concession comme cadeau dans la hotte du Père Noël !!!
La première ministre exclue « la baisse du montant des pensions ». Elle ment : c’est l’objectif de la réforme dans une paupérisation déjà entamée des retraité.es actuel.les et qui serait aggravée pour les futur.es retraité.es.
Elle exclue aussi « d’alourdir le coût du travail par des cotisations supplémentaires » : encore et toujours le refrain libéral sur les « charges patronales » qu’il faut baisser, au nom de l’emploi, à coût d’exonérations et d‘allègements de cotisations sociales (70 à 90 Mds d’euros … de quoi participer au financement des retraites si on supprimait ces mesures). Sans compter l’arnaque « vendue » aux travailleurs d’une baisse ou suppression de la cotisation salariale qui serait un gain de pouvoir d’achat. La cotisation est du salaire socialisé qui ouvre des droits sociaux face aux risques pris en charge par la Sécurité sociale (dont le risque vieillesse).
La seule solution de Macron et de son gouvernement (partagée par toute la Droite et le patronat) est donc l’allongement de la durée au travail pour « produire plus de richesses ».
L’âge d’annulation de la décote resterait à 67 ans. Difficile d’afficher socialement 70 ans, pour les salariés les plus modestes, en particulier les femmes aux carrières incomplètes et hachées dont les pensions seraient encore plus tronquées par une décote « « meurtrière ».
La première ministre dévoilera ses arbitrages dans le courant de la deuxième semaine de décembre. Juste avant les vacances de Noël, période peu propice à la mobilisation des salarié.es. Le texte sera présenté en conseil des ministres début janvier 2023 et examiné par le Parlement au printemps. Il entrerait en application dès l’été 2023.
Il y a urgence à préparer syndicalement la mobilisation face à un calendrier très serré et à un pouvoir déterminé à mener une réforme synonyme d’un recul social dramatique.
Non, Macron, Borne, Dussopt, Guerini et compagnie ne veulent pas « sauver notre système de retraite et notre modèle social », leur objectif est d’en poursuivre la casse. Nous ne les laisserons pas faire, avec le SNES et la FSU, car nous sommes attaché.es à un système que nous souhaitons améliorer !!!
Marie-Laurence Moros, responsable académique des retraité.es SNES-FSU