Sabrer dans les dépenses publiques
En quelques jours, la panique boursière s’est transformée en menace sur l’économie réelle. De François Bayrou au ministre de l’Économie, tous reconnaissent les effets à venir sur la croissance française. Quelle qu’en soit l’ampleur, la baisse de la croissance va compliquer l’équation du budget 2026, déjà engagé dans un violent tour de vis en particulier sur la dépense publique. La petite musique qui monte depuis quelques semaines selon laquelle il serait inéluctable de sabrer dans le financement des services publics, de la protection sociale et de la lutte contre le dérèglement climatique est irresponsable.
Notre démocratie est au moins autant menacée par un délitement des services publics que par une offensive militaire. Il est donc indispensable de renforcer tout ce qui permet de faire vivre les solidarités qui font le socle de notre démocratie. Les menaces contre la démocratie sont multiples. Ainsi la condamnation de plusieurs responsables du RN, dont Marine le Pen, pour détournement de fonds publics à hauteur de 4 millions d’euros a suscité des attaques et menaces personnelles contre les magistrat
es qui ont rendu cette décision. Mais derrière les prises de paroles outrancières et diffamatoires, de la part d’une partie de la classe politique, il y a une entreprise réfléchie, et inacceptables, d’attaques contre l’État de droit et donc la démocratie.Un 1er mai aux forts enjeux
Défense des services publics, budget 2026, revalorisation des personnels, préservation de la démocratie, les enjeux de court et de moyen termes sont nombreux et appellent une réaction à la hauteur.
Le 1er mai prend une signification particulière dans un contexte où l’extrême droite est de plus en plus forte.
Le SNES et la FSU appellent avec l’intersyndicale Fonction publique à une journée de grève le mardi 13 mai de défense des services publics et de la Fonction publique (abrogation du jour de carence et de la mesure réduisant l’indemnisation du congé maladie à 90 %) à l’heure où le gouvernement envisage de réduire de 40 milliards le budget.
L’éducation et ses personnels sont en première ligne des attaques budgétaires et d’une politique qui accentue les inégalités scolaires et déqualifie les personnels.
Depuis la rentrée, les mobilisations des personnels et des parents sur l’absence de remplacement se multiplient partout dans notre académie et des établissements seront en grève ces prochains jours avec les parents en nord-Isère ou dans le bassin viennois par exemple.
Dans les quartiers politiques de la ville, les personnels se sont fortement mobilisé
es à Grenoble le 10 avril contre le manque de moyens du service public et une carte de l’éducation prioritaire obsolète, alors que les situations sociales se détériorent sans cesse.En Drôme, après avoir supprimer les aides au Planning familial, le Conseil départemental a décidé de fermer unilatéralement, sans en avertir le Rectorat, le Centre d’information et d’orientation de Valence, avec des répercussions sur l’ensemble des CIO, l’État ne palliant pas cette fermeture.
Toutes ces mobilisations que nous connaissons depuis plusieurs mois découle des attaques successives contre les services publics et l’Éducation avec des suppressions de postes par milliers depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir et ses gouvernements successifs
Tous les personnels sont en ligne de mire.
Ces attaques touchent en premier lieu les plus précaires. Les AESH continuent d’avoir des conditions de travail inacceptable et ça n’est pas la mise en œuvre des PAS qui changera la situation. Avec la CDIsation, nous sommes bien loin d’avancées statutaires et de rémunérations. Dans la droite ligne de la loi de Transformation de la Fonction publique, ce sont les temps partiels imposées et les pressions qui sont la norme pour ces personnels.
En première ligne avec les annonces sécuritaires d’Elisabeth Borne, les AED sont de plus en plus maltraité
es par l’institution et le leurre de la CDIsation ne résout en rien la situation pour des personnels pressurés à qui l’on ferme toute possibilité d’évolution dans la Fonction publique.Quant aux enseignant
es, CPE et PSYen, le temps de travail ne fait qu’augmenter, les conditions de travail se dégradent, les pressions managériales deviennent la norme et sont institutionnalisées avec le Pacte et Bercy tient dans sa main les avancées en termes de revalorisation. La chasse aux disponibilités et les pressions sur les collègues ont mené dans notre académie à un doublement du nombre de démissions ces deux dernières années.Des réformes qui font système
Les récentes déclarations d’Elisabeth Borne sont les pièces manquantes d’un projet éducatif clair.
Quand elle ne disserte pas sur l’âge adéquat pour penser l’orientation, Élisabeth Borne se fait bien discrète pour parler Éducation. C’est un des paradoxes de la ministre : ses sorties médiatiques sont pétries de considérations de politique générale – avenir de « sa » réforme des retraites, virage stratégique de Renaissance, commentaires sur les prises de position de Bruno Retailleau et Gérald Darmanin, etc. – et, de temps en temps, en deuxième partie d’interview, on finit par dénicher quelques observations sur l’École !
Ces fragments de discours généralement très lisses sont autant de pièces d’un puzzle qui, mis bout à bout, dessinent les contours d’un second degré très éloigné des enjeux éducatifs du moment.
École à deux vitesses
Tout d’abord, le « Choc des savoirs » produit les effets délétères que le SNES-FSU avait identifiés dès le lancement de la réforme. Lorsqu’ils existent en Sixième et Cinquième, les regroupements d’élèves les plus fragiles sont catastrophiques. Absence d’émulation, ambitions au rabais pour ces élèves cantonnés à des « fondamentaux » qui les éloignent toujours plus du reste de la classe : pour elles et eux, le fossé vers la classe de Quatrième devient vite infranchissable.
Articulé à d’autres réformes structurelles comme le lycée Blanquer et ParcourSup, c’est bien une forme de dualisme scolaire qui se dessine : d’un côté, une masse d’élèves assigné
es à leurs positions scolaires et sociales ; de l’autre, une élite composée des enfants qui naviguent avec aisance dans ce système éducatif fait de codes qu’elles et ils sont les seul es à maîtriser. Ce dualisme scolaire prépare le terrain à une forme de dualisme social séparant de façon extrêmement étanche une masse de jeunes peu qualifié es, cantonné es à des poste d’exécution, et une élite tournée vers les emplois les plus qualifiés.Personnels méprisés
Les mesures concernant les personnels font aussi système. Ainsi la réforme de la formation initiale et du recrutement des professeur
es et des CPE marque un brutal coup d’arrêt à la reconnaissance de la haute qualification de nos métiers.Avec un concours à bac + 2,5, adossé à une baisse des horaires de formations universitaires depuis vingt ans, ce projet de réforme réduit fortement les exigences disciplinaires aux concours.
On en arrive à un volume global de formation à peine au niveau d’une première année d’université de la fin des années 1990… Il y a donc une forme de déqualification, mais aussi de dénaturation de nos métiers.
Besoin d’éducation !
Quelle École pour quelle société ? C’est la question qui, en démocratie, devrait être au cœur des préoccupations. Les perspectives dessinées par les politiques macronistes sont à ce titre inquiétantes.
Pourtant, dans un contexte où la connaissance et le savoir sont remis en cause par les théories complotistes et les fake news, dans un monde de plus en plus complexe, dans un pays où la défiance envers les institutions démocratiques ne cesse de progresser…, nous avons besoin d’une École émancipatrice, dans laquelle les élèves grandissent ensemble, et qui leur permet de comprendre le monde, d’une École avec des personnels revalorisés, qualifiés, reconnus, respectés.
Le SNES-FSU est déterminé à combattre pour ce projet d’École. C’est un impératif et une urgence tant éducative que sociale et démocratique.
Nous le dirons haut et fort le 1er mai. Nous le répéterons en nous mobilisant massivement le 13 mai pour le service public et l’Éducation, journée de grève intersyndicale, et pendant tout le mois de mai, préparons une mobilisation d’ampleur interprofessionnelle pour un autre modèle sociale.