Les webinaires des IPR pour porter le discours institutionnel ont commencé. Nous avons assisté à l’un d’entre-eux.
Nous avons choisi de suivre le webinaire du 30/04/2024, animé par les IPR de Lettres Elsa DEBRAS, Odette TURIAS et Yaël BRISWALTER, car nous souhaitions d’une part avoir connaissance du discours institutionnel et d’autre part pouvoir, dans le tchat, mettre les IPR face aux contradictions et problèmes soulevés par le "choc des savoirs".
Nous éclairer sur la flexibilité
Derrière l’écran, environ 90 collègues ont assisté à la présentation d’un diaporama sur « la fondation des progressions pédagogiques pour mettre en place la flexibilité des groupes ». Mesdames et Monsieur les IPR se montrent soucieux de nous éclairer sur ce « choc des savoirs », car « la presse schématise beaucoup et apporte des informations incomplètes et fausses » (M. Briswalter).
Seulement recentrer…
On apprend tout d’abord que de nouveaux programmes devraient sortir pour septembre 2025 ; en attendant, nous continuerons avec nos programmes actuels. Il s’agit « seulement » de recentrer notre enseignement autour de 4 domaines : l’oral / la compréhension de l’écrit / l’écriture / la langue. En effet, « le principe de la séquence est maintenu, mais en resserrant ce format autour d’une majeure et d’une mineure » (et l’on découvre dans les documents d’accompagnement qu’une séquence est « resserrée » à 2 à 3 semaines). L’ouverture culturelle allant de soi, elle parsèmera ces domaines qui seront connectés aux enjeux littéraires et artistiques.
Question de posture et de travail collectif !
Les IPR ont ensuite longuement insisté sur la flexibilité des groupes et la manière d’ « identifier les élèves » : « Il s’agit seulement de travailler les postures dans des groupes de niveaux hétérogènes » dixit madame Turias ; pour M. Briswalter, les groupes seront constitués selon « le profil d’engagement de l’élève » On finit par comprendre vaguement que les groupes seraient finalement hétérogènes quant aux niveaux des élèves, mais homogènes quant à leur profil et leur posture ( ?)
Et pour permettre la flexibilité « essentielle » de ces groupes, il faut :
- 1. suivre une même progression ;
- 2. évaluer régulièrement, et ce, à l’aide d’évaluations communes.
On apprend donc que l’on conserve toute notre liberté pédagogique, qui, simplement, n’est plus une liberté pédagogique « individuelle » mais « une liberté pédagogique collective d’équipe » !
Pas d’inquiétude, tout est prêt ou presque...
Mais rassurons-nous, l’institution a pensé à tout :
- à de nombreuses reprises, ont été évoquées les facilités possibles grâce à la présence du professeur surnuméraire... Dans quels établissements est-ce vraiment le cas ?
- on peut être PP d’élèves que nous ne verrons que 1 à 10 semaines dans l’année (selon M. Briswalter, qui, par ailleurs, insiste sur le caractère totalement dérogatoire de ces 1 à 10 semaines de période en classe entière) ;
- les projets de classe pourront perdurer, de manière filée pendant les périodes de retour à la classe entière ;
- les chef fes d’établissement vont être fortement incité es à prévoir l’achat des séries de livres (en autant de séries que de classes) sur le budget (déjà tellement large) de l’établissement ;
- En juin, les équipes de lettres disposeront de 6 heures sur deux demi-journées pour établir la progression commune de toute l’année, et un plan de formation pour 2024/2025 est en préparation ;
- Un kit d’accompagnement à destination des enseignant es et des chef fes d’établissement a également été préparé afin de nous éviter trop de travail ! Cependant, le diaporama présenté mentionne : « le webinaire ne fait que des propositions : les pistes sont nombreuses et à inventer ! ».
Et nos questions ?
Pendant cet exposé, sur le fil de discussion, de très nombreuses questions fusent, balayées par des non-réponses ou des propositions de bricolages ! Il a été annoncé que la gestion des « émotions » ne serait pas possible durant ce webinaire mais plus tard en présentiel... Mais quand ? Pas de date prévue à ce stade… Cela est regrettable quand on lit la détresse des collègues qui s’expriment dans le tchat.
Des nombreuses interventions des collègues dans le tchat, on peut retenir, entre autres, celles-ci :
- Comment construire chez nos élèves des savoirs et des compétences complexes, qui nécessitent un délai indispensable de maturation (comme l’argumentation ou l’analyse de texte) lorsqu’on nous demandera arbitrairement, sur de simples contraintes de calendrier, de restructurer les groupes ?
- Comment aurons-nous le temps de tisser un lien de confiance avec nos élèves, avec leurs parents, si nous ne les voyons que sporadiquement, quelques semaines dans l’année ? Comment pourrons-nous sérieusement mesurer leurs progrès et évaluer leurs besoins ?
- Que dirons-nous aux élèves de 6e, perturbé es de découvrir que leur nouveau ou nouvelle professeur e de français ne présente pas ses cours de la même façon que sa ou son prédécesseur e ? Devrons-nous pousser le concept d’harmonisation jusqu’à l’absurde et décider en réunion de quelle couleur nous ferons écrire les titres des séquences, des séances ou les définitions de cours ?
- Peut-on sérieusement croire que nous aurons assez de temps de concertation pour nous réunir toutes les 5-6 semaines afin de parler des progrès de tel le ou tel le élève dont nous aurons, entre temps, oublié le nom et les capacités ? Car non, nous ne sommes pas des machines et la nécessité de s’adapter à un nouveau groupe conduira inévitablement un e professeur e à se désintéresser des précédents.
- Comment seront rémunérés ces hypothétiques temps de concertation ?
- Comment ne pas avoir le sentiment qu’il s’agit d’une mise au pas de nos méthodes d’apprentissage ?
Voilà c’est fini !
Las ! Face à toutes ces questions, les IPR quittent la séance, de manière assez informelle, avec 10 bonnes minutes d’avance … Tout un symbole.