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Le ministre de l’Éducation, obéissant au président de la République, demande aux professeurs de lire aux élèves une lettre que Guy Môquet, très jeune militant communiste, avait écrite à sa mère, le 22 octobre 1941, juste avant d’être fusillé à Chateaubriand (44) avec 26 autres résistants.
Réunis en assemblée générale, les enseignants du lycée ont décidé de ne pas lire cette lettre pour les raisons suivantes :
- ce texte peut être intéressant si on le place dans le contexte historique de la Seconde Guerre mondiale et de l’Occupation, ce qui demande plusieurs heures d’étude, comme c’est le cas en cours d’histoire (toutes classes de 1re).
- En l’absence de cette mise en perspective, lire cette lettre très émouvante, la dernière d’un fils à sa mère, revient à valoriser le sacrifice d’un jeune homme, comme cela pouvait se faire sous la III e République avant la guerre de 14-18. Nous considérons que cela ne fait pas partie de notre rôle d’éducateur.
- Parmi les valeurs de la Résistance, que défendaient Guy Môquet et ses compagnons, on trouve celles de solidarité et de défense de l’intérêt général défendu par le Conseil National de la Résistance dès 1943, qui ont trouvé en 1945 leur traduction concrète avec la création de la Sécurité Sociale (assurance santé et retraite par répartition, notamment).
Alors que de son côté, le président de la République, s’attaque aux fondements de la Sécurité Sociale, avec l’instauration des franchises médicales par exemple, prouvant par là, qu’il place l’individualisme largement au-dessus des valeurs de la Résistance. - Cette dernière contradiction montre bien qu’il s’agit avant tout d’une opération de communication présidentielle. Nous ne souhaitons pas y participer dans l’exercice de notre métier.
Au lycée, le programme d’histoire, comme les autres programmes, est élaboré par des groupes d’expert, sur des bases scientifiques, indépendamment du pouvoir politique et de tout groupe de pression. Dans ce programme, la Résistance est étudiée en 1re et la mémoire de la 2de Guerre Mondiale en Tale. Des thèmes voisins sont abordés en ECJS et en langues, notamment.
Enfin, nous sommes nous aussi, attachés aux valeurs de la Résistance, comme le prouve le choix du nom du lycée et la participation régulière de nos élèves au concours de la Résistance.
Terminons cette explication par une citation :
« Sans doute l’histoire n’appartient-elle pas qu’aux historiens. Il est du rôle de la représentation nationale comme du président de la République de proposer, susciter commémorations et hommages, mais non d’édicter ce que l’on doit enseigner. […].
Beaucoup refusent l’idée de cette caporalisation mémorielle : une lettre lue dans tous les établissements scolaires, tous les ans, le même jour, sinon à la même heure ?, quasiment au garde-à-vous ? Laissons donc les enseignants organiser leur cours comme ils l’entendent et, s’ils font le choix de cette lettre, ils sauront la lire au bon moment, mise en perspective par les travaux qui l’éclairent. »
Jean-Pierre AZÉMA [1]