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Annoncé en mai dernier, le dispositif Devoirs faits n’a fait l’objet d’aucune concertation. Cette idée pouvait paraître de bon sens. Mais le vademecum publié par le ministère à l’occasion de la conférence de presse de rentrée du ministre, et diffusé aux chefs d’établissement, a un désagréable côté prescriptif. Si le ministère estime nécessaire que les pratiques des enseignants changent, il ne doit pas le faire par le détour d’injonctions hiérarchiques mais par une formation continue digne de ce nom. La question des devoirs donnés aux élèves est épineuse et mérite un traitement plus approfondi qu’un simple vademecum en ligne.
Ce vademecum, sur lequel vont s’appuyer des chefs d’établissement pour la mise en œuvre du dispositif pour la rentrée des vacances d’automne, n’a aucune valeur réglementaire. Il ne peut que rappeler des textes déjà existants.
Devoirs faits, qu’es aquò ?
« Devoirs faits est un temps dédié, en dehors des heures de classe, et dans l’établissement pendant lequel l’élève effectue les devoirs demandées par ses professeurs. »
Quand ? Pas nécessairement en fin de journée. L’établissement fixe les horaires et le volume horaire.
Qui est concerné ? Les élèves volontaires avec l’autorisation des parents.
Qui fixe les modalités ? Chaque établissement fixe les modalités en fonction de son projet d’établissement : « ces modalités sont d’abord discutées en conseil pédagogique, puis présentées par le chef d’établissement en conseil d’administration ».
→ Les personnels doivent donc être consultés.
Qui intervient ?
– Les enseignants (y compris le professeur documentaliste) peuvent intervenir. Ils sont alors rémunérés en HSE (décret n°50-1253 du 6 octobre 1950 et décret n° 96-80 du 30 janvier 1996).
→ Les DSDEN octroient des moyens pour Devoirs faits qui ne sont pas extensibles. Vérifier auprès du chef d’établissement l’existence d’une enveloppe prévoyant la rémunération des personnels.
– Les CPE sont associés à la mise en œuvre du programme, « dans le cadre de leur mission ».
→ Attention à ce que l’investissement des CPE ne conduise pas à une hausse de leur temps de travail. La rédaction suppose que cela se fait « dans le cadre de leur mission », donc sans rémunération supplémentaire (ils peuvent être rémunérés pour l’encadrement d’élèves – voir ci-dessous).
– Tous les personnels fonctionnaires d’Etat dans un collège peuvent encadrer des élèves. Ils sont alors rémunérés selon les cas précisés dans le cadre des décrets n°2012-871 du 11 juillet 2012 ou n° 96-80 du 30 janvier 1996.
– Les AED sont désignés comme « des acteurs essentiels ». Ils peuvent intervenir dans le cadre des permanences ou sur les autres heures définies. Ils peuvent intervenir sur leur service ou, avec leur accord, en HS pour la participation aux études dirigées ou à l’accompagnement éducatif sur la base du décret n° 96-80 du 30 janvier 1996.
→ Attention à ce que Devoirs faits ne conduisent pas à mettre les vies scolaires en tension. Concernant le temps de travail des AED, attention à veiller que les heures ne se traduisent pas par du bénévolat (absence de rémunération et de récupération).
– Les volontaires en service civique (VSC) recrutés directement par le ministère de l’EN peuvent intervenir pour 15 heures maximum (« On peut estimer que, sur un horaire hebdomadaire de 30 heures, un volontaire peut consacrer jusqu’à la moitié de son temps à cette activité, le reste de son temps étant consacré à une des autres missions prévues par les fiches de l’agrément ministériel. ») Ils doivent bénéficier d’une formation.
→ Avec l’ouverture d’un contingent supplémentaire de 10 000 volontaires aux académies, le ministère met les VSC en première ligne. Toutes les fiches de missions en collège incluent Devoirs faits. Attention aux dérives dans les établissements : un VSC n’est pas un AED et ses missions sont cadrées. De même, si aucune condition de diplômes n’est requise pour le recrutement d’un VSC, nous ne pouvons admettre qu’il n’ait pas le même niveau de qualification d’AED (Bac minimum).
– Les associations peuvent également intervenir sans que nous puissions contrôler la formation des intervenants. La liste complète des associations bénéficiant d’un agrément de l’agence du service civique pour intervenir dans le champ de l’aide aux devoirs est accessible depuis Eduscol
→ Les associations ne peuvent intervenir que si une convention existe. Le CA peut donc s’opposer à l’intervention d’association en ne votant pas la convention.
Une volonté de mise au pas pédagogique ?
Après la réforme du collège, après les pressions sur l’évaluation avec le LSU, Devoirs faits est un levier supplémentaire de mise au pas pédagogique. Quelques extraits du vademecum sont particulièrement éloquents :
– « Devoirs faits doit permettre aux équipes pédagogiques de réfléchir collectivement à la question du travail personnel de l’élève : quel est le sens des devoirs, au regard notamment du travail réalisé en classe ? Que permettent-ils de consolider ? Qui les prescrit ? Quelle quantité de travail représentent-ils et selon quelle périodicité ? Quels sont les types de tâches proposées aux élèves (application, mémorisation, production, etc.) ? » ;
– « Les objectifs des devoirs donnés par chaque professeur doivent être clairement affichés pour l’intervenant Devoirs faits. Cela suppose une formalisation minimale des échanges entre le professeur prescripteur et celui qui supervise l’accompagnement des élèves. Il est tout à fait envisageable que des enseignants de même niveau et matière proposent des exercices où la compétence principalement travaillée est commune et a fait l’objet d’activités semblables en classe. » ;
– « Il est nécessaire de prévoir un lien explicite entre Devoirs faits et les évaluations permettant de positionner les élèves sur un niveau de maîtrise d’un savoir ou d’une compétence : le programme est au service de la progression des élèves ».
→ La mise en place de Devoirs faits ne doit pas être l’occasion d’injonctions de la part du chef d’établissement ou des corps d’inspection pour restreindre notre liberté pédagogique. Rien n’oblige les enseignants à participer à Devoirs faits. La prescription des devoirs relève de notre liberté pédagogique.
Encadrer, coordonner ?
« La supervision pédagogique de l’accompagnement des intervenants non enseignants (assistants d’éducation, personnels administratifs, volontaires du service civique, élèves apprentis professeurs, intervenants associatifs) relève des enseignants. Elle suppose une présence effective d’enseignants volontaires à certains moments de Devoirs faits, de manière à pouvoir apporter leur expertise disciplinaire et pédagogique. »
→ Tout comme pour le recours au numérique comme outil qui est vite chronophage, il faut veiller à ce que cette « présence effective » soit réellement rémunérée.
« Il est recommandé de désigner dans chaque établissement un coordonnateur du programme. Ce coordonnateur a pour fonction d’organiser Devoirs faits et de coordonner les actions des différentes parties prenantes, en fonction des orientations données par le chef d’établissement après consultation du conseil pédagogique et en s’appuyant sur les ressources locales.
Cette mission de coordination est essentielle dans le cadre d’un programme qui mobilisera, au-delà des enseignants, des assistants d’éducation, des volontaires du service civique et des associations partenaires.
Elle pourra être éligible, comme pour d’autres fonctions de coordination, après avis du conseil d’administration, au versement d’indemnités pour missions particulières.
Avec le concours du CPE, le référent veille à l’articulation avec les programmes de soutien, mis en place par les collectivités locales ou les associations hors de l’établissement. »
→ La circulaire n° 2015-058 du 29 avril 2015 sur les modalités d’attribution des missions particulières définit les missions et fixe les fourchettes de rémunération. Si pour la mission de coordinateur la fourchette de rémunération est définie, la mission de coordinateur du programme Devoirs faits n’est pas définie et peut donner lieu à des dérives. Il faut s’opposer en conseil pédagogique et en CA à une explosion des missions derrière Devoirs faits (le vademecum invite également à confier la mission de coordination des actions avec les collectivités locales ou associations hors établissements) et veiller à ce que la mission de coordinateur ne devienne pas celle de prescripteur de « meilleures pratiques » pédagogiques.