27 mars 2018

Retraite et Protection sociale

Les solidarités au cœur du modèle social (5)

Actes du colloque du 25 janvier 2018
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...mais aussi des solidarités à conquérir.


Le « 100 % Sécu » ou la reconquête de la Sécurité Sociale


La demande 100 % Sécu concerne la maladie et la santé ( soins et reste à charge ).
F. Pierru reprend le diaporama en abordant la relation Sécu / Mutuelles et en invitant à adopter une posture offensive sur la question.
Des études diverses montrent que la présence de deux financeurs ( Sécu + complémentaires ) est injuste socialement et irrationnelle économiquement.

1°) La concurrence du côté du financement : ça ne marche pas !

→ Tout euro transféré de la Sécurité sociale vers les AMC est un euro inégalitaire.

→ Il est très difficile, techniquement et politiquement, de réguler le marché privé de l’assurance. La concurrence, même « régulée » entre financeurs, ne débouche pas sur la maîtrise du coût et la qualité des soins.

→ Sur ce type de marchés, la « souveraineté du consommateur » est un leurre → Autrement dit, la concurrence se fait aux dépens des plus faibles ( les plus pauvres et/ou âgés ), qui sont aussi les plus captifs.

2°) L’argument de l’efficience économique du privé ne tient pas.

→ Une étude de l’OCDE sur le coût administratif de gestion est parlante : 4,1 % pour la Sécurité sociale, 20 à 25 % pour les assurances privées.

→ Les frais de gestion des complémentaires sont évalués à plus de 6 Mds d’euros. C’est énorme. Un remboursement à 100 % par l’Assurance Maladie ne coûterait pas 1 euro de plus de frais de gestion à la collectivité !

3°) Inégalité d’accès à la Protection sociale, inégalité de recours aux soins

La consommation de soins est très liée à l’accès à une complémentaire :

→ Près de 6 % de la population n’est pas couvert par une complémentaire santé.

→ Cette proportion atteint 14 % à 19 % dans les couches les plus modestes de la population.

→ 43 % des personnes des personnes non couvertes évoquent le coût de la complémentaire.

→ 1 personne sur 7 déclare avoir renoncé à des soins pour des raisons financières.

→ 1 personne sur 3 déclare renoncer aux soins parmi celles n’ayant pas de couverture complémentaire privée ou de CMU-C ( Couverture Maladie Universelle Complémentaire )

→ Ces renoncements concernent en premier lieu les soins dentaires optiques et les soins de spécialistes.

→ Les soins dépendent de l’accès à une complémentaire mais aussi de sa qualité de prise en charge.

Le candidat Macron n’a jamais mis en cause l’extension du périmètre des complémentaires, ni la place du secteur privé dans le système de santé ( cliniques privées, médecine libérale, industrie pharmaceutique… ).

4°) Le fantasme idéologiquement intéressé du « ras-le-bol socio-fiscal »
( Quelques enseignements du baromètre de la DREES )

→ En 2012, 17 % des Français jugent la part du revenu national consacré au financement de la Protection sociale excessive ; 64 % la jugent normale ; 16 % insuffisante et 3 % ne se prononcent pas.

→ Sur les mesures permettant de réduire le déficit des dépenses de Santé :

  • • Pour 86 % des Français, réduire les tarifs des professionnels.
  • • Pour 78 %, modifier les habitudes de médecins pour qu’ils prescrivent moins de médicaments et moins d’examens ou des médicaments et des examens moins chers.
  • • Pour 52 %, limiter la liberté d’installation des médecins.

Il faut agir sur l’offre de soins ( pas sur les déremboursements ou la réduction des prises en charge des longues maladies ) avant d’envisager le recul de la Sécu.

→ Sur la perception des dépenses de Santé :

  • • 62 % des Français estiment qu’il est normal dans un pays développé de dépenser de plus en plus pour la Santé.
  • • À peine 21 % pensent que s’il n’y avait pas le monopole de la Sécu, ça marcherait mieux.

Parmi les inégalités, les Français jugent les inégalités d’accès aux soins comme les moins acceptables à 45 % en 2012.

Pour une majorité de la population, la Sécu est un outil de justice sociale.

5°) Face à ce constat, que faire ?

Le statut quo : continuer avec le double pilier AMO / AMC et « réguler » davantage le marché des AMC ( Macron ).

La reconquête de la Sécu : une option politiquement réaliste au regard des chiffres évoqués :

  • L’option radicale : le 100 % pour le panier de soins, le reste relevant des assurances Maladie supplémentaires. Dans ce cas, l’emploi du secteur mutualiste serait reversé dans les actions de Santé publique… Il y a beaucoup à faire ( Hirsch & Tabuteau, Pierru, Mélenchon ).
  • L’option « réformiste » ou gradualiste : permettre aux assurés de choisir la Sécurité sociale comme AMC, sur le modèle d’Alsace-Moselle, puis aller vers le 100 % ... Comme l’a montré l’histoire de la CMU ( Couverture Maladie Universelle ), les individus préféreront dans leur grande majorité la Sécu… ( Grimaldi ).

Réinventer la démocratie dans la Sécurité sociale : en revenir à 1945 serait insuffisant…

6°) Le 100 % Sécu : un objectif financièrement réaliste

→ Transformation des primes de complémentaire Santé en cotisations sociales ! Il faut trouver 16,5 Mds d’euros ( soit le RAC, reste à charge ) :

  • • Fusion des personnels et suppression du doublon Sécu / Complémentaires : entre 5 et 6 Mds d’euros.
  • • Interdiction des dépassements d’honoraires : 7 Mds d’euros d’économies
  • • Mesures d’économies sur le médicament : 2.5 Mds d’euros.
  • • Régulation plus stricte de certains tarifs ( optique, dentaire ) : 1 Md d’euros.
  • • Le compte est bon sans tenir compte de la suppression des niches sociales ( 3 Mds ).

→ Il n’y a donc aucune barrière financière au 100 % Sécu.

Rappel de l’accord de l’ANI qui a rendu obligatoire la complémentaire d’entreprise pour tous les salariés du Privé avec participation des employeurs sur des contrats collectifs.
Rappel du rôle des mutuelles qui se sont opposées en 1945 à la suppression des régimes d’Alsace-Moselle que voulait la Sécurité Sociale.
Il n’est pas irréaliste de penser qu’on peut se passer des mutuelles.

Conclusion : Pour cette reconquête, reconsidérer les forces en présence

→ S’appuyer sur les tensions internes au monde mutualiste : la base militante du mutualisme, et les personnels eux-mêmes, qui ne supportent plus les dérives.
→ « Recadrer » le débat public : présenter les AMC pour ce qu’elles sont, un marché inégalitaire et inefficient, de plus en plus concentré, et présenter les primes aux AMC comme des impôts privés inégalitaires et dont 20 à 25% s’évaporent en coûts de gestion et de marketing.
→ S’appuyer sur l’exaspération d’une partie de l’opinion publique à l’égard des hausses de primes ou de cotisations.
→ S’appuyer sur les adhérents mécontents : les mutuelles sont de moins en moins solidaires et se rapprochent des assurances privées ( segmentation des offres dans les contrats, discrimination par l’âge )
Les syndicats doivent reprendre l’offensive sur la Sécu et ne plus jouer le jeu des Instituts de Prévoyance …

Débat


Benoit Teste :
Oui, les mutuelles s’éloignent des adhérents et aussi des militants.
On peut réfléchir à des propositions pour redéfinir le rôle des mutuelles ( dans la politique de Prévention, sur les centres de Santé … ). Il y a nécessité de se faire comprendre y compris des personnels.

Rappel des mandats de Grenoble :
« Le SNES-FSU réaffirme avec force l’urgence à reconquérir un système de Santé universel, solidaire et de haut niveau pour tous et pour toutes.
Il revendique une politique de Santé publique qui couvre les besoins de tous en tendant vers un taux de remboursement à 100 % des soins médicaux et qui rétablisse et développe la Prévention ( milieu scolaire, professionnel, etc. ) ».
Débats à mener dans le prochain congrès.

Un intervenant : le groupe des 9 ( organisations de retraités ) prépare un texte sur le 100 % Sécu pour la « dépendance »

Frédéric Pierru conclut sur la nécessité d’avoir un débat sur le périmètre de la Sécurité Sociale : Définir « Tout ce qui est bon pour la Santé ». Renvoi à la politique actuelle du médicament : certains remboursés à 40 %, à 20 %, cela a- t-il un sens ?

En forme de résumé, une courte animation ( 6 min 40 s ) éditée par l’UFAL lors de latable ronde organisée pour le 70 ème anniversaire de la Sécu ( avec Bernard Friot et le Réseau Salariat - 2h 17 min ) :