En préambule du projet de loi sur les retraites on peut lire : « Un système de retraite ne peut corriger les inégalités qui affectent les parcours professionnels et les parcours de vie, mais il doit prendre toute sa part à leur résorption ».
Cet objectif ici affirmé, que nous partageons, peut-il être atteint par la future réforme ?
Le constat sur les inégalités femmes-hommes qui marquent la vie professionnelle dans notre pays est irréfutable. Les inégalités de rémunération et les différences de carrière expliquent les écarts entre les pensions des femmes et des hommes :
Les salaires des femmes sont inférieurs de 24 % à ceux des hommes et 40 % des femmes ont une carrière incomplète. On en connaît bien les raisons : les femmes sont majoritaires dans les métiers où les salaires sont moindres et les qualifications mal reconnues ( santé, social, soins à la personne… avec 78 % des emplois non qualifiés occupés par des femmes ), la précarité forte ( services, nettoyage… ). Le temps partiel touche 30 % des emplois féminins et, contraint ou choisi, il est à 80 % occupé par des femmes. C’est aussi le cas, majoritairement, des interruptions liées aux congés parentaux. La grossesse et la maternité restent encore des obstacles dans une carrière professionnelle.
Aux carrières heurtées, marquées aussi par le chômage, s’ajoutent les effets du « plafond de verre » qui verrouille leur carrière dans le privé comme dans le public ( moins d’accès à des postes de responsabilités, d’encadrement et de direction, moins de promotions et à rythme plus lent… )
Il n’est guère étonnant que la retraite aggrave ces inégalités : l’écart entre le niveau moyen des pensions dit de droit direct entre les hommes et les femmes est de 40 %.
Les contre réformes depuis 1993 ont dégradé la situation. Le passage des 10 meilleures années au vingt-cinq dans le privé, l’allongement du nombre d’annuités pour une retraite à taux plein, l’effet dévastateur de la décote ont touché davantage les pensions des femmes.
Certes, la situation évolue très lentement et le gouvernement table là-dessus dans son projet : selon les projections du Conseil d’orientation des retraites ( COR ), les femmes âgées de moins de 44 ans aujourd’hui devraient parvenir à augmenter leur nombre de trimestres validés et donc à se rapprocher de la même durée d’assurance que les hommes. Mais si rien n’est fait du côté des salaires et du temps partiel, il y a peu d’améliorations à attendre de ces évolutions. À l’horizon 2040 / 2050, selon les projections, les retraites des femmes resteraient inférieures de 30% à celles des hommes. Les injustices sont donc vouées à perdurer dans le système actuel.
Mais, quand Édouard Philippe, le 11 décembre 2019, affirme : « Les femmes seront les grandes gagnantes de la réforme », doit-on et peut-on le croire sur parole ?
Dans un système par points, le calcul du montant de la retraite se fait sur l’ensemble de la carrière. Les femmes seraient automatiquement pénalisées. Dans le public, les carrières ascendantes perdraient environ 1/3 de leur montant et les carrières plus « plates », évoluant moins vite, 20 %.
La prise en compte des primes et indemnités dans la Fonction publique ne changerait rien à l’histoire : dans les 3 versants qui comptent en moyenne 62 % de femmes ( contre 46 % dans le privé ), les 2/3 des primes sont attribués aux hommes. Et dans l’Éducation nationale, au-delà du fait que les primes sont faibles, elles forment environ 12 % des rémunérations des enseignantes du Second degré contre 16,3 % de celles des enseignants. Les femmes touchent moins d’heures supplémentaires, moins d’indemnités pour des missions ou fonctions spécifiques, que les hommes, au total moins de primes ou à des montants moins élevés. D’autres catégories ( CPE, documentalistes, Psy-ÉN ) n’en ont quasiment pas. Leurs pensions seraient amputées aussi de manière drastique.
L’introduction d’un « âge pivot » à 64 ans ou de « l’âge d’équilibre » ou « âge du taux plein » pouvant reculer, selon l’espérance de vie, jusqu’à 67 ans pour la génération 1995, entraînerait la double peine pour les femmes.
Elles seraient contraintes de travailler plus longtemps, subiraient des décotes catastrophiques avec des niveaux de pension faibles, les ramenant pour nombre d’entre elles au minimum de pension. Ce minimum serait fixé à 1000 euros nets en 2022 ( soit exactement la même somme que celle prévue à législation constante ). Il serait porté à 85 % du SMIC net en 2025, environ 1147 euros ( selon les hypothèses d’inflation et de croissance ).
C’est ce montant de retraite qui devrait sortir les femmes de la pauvreté à la retraite ?
Précisons qu’il ne serait versé qu’à carrière complète ( on en est pas à une contradiction près, surtout pour les salariées les plus précaires ). Rappelons aussi que cette mesure de relèvement était déjà prévue dans une loi votée en 2003 et jamais appliquée. Aujourd’hui elle est célébrée par le gouvernement comme une grande avancée sociale !!!
Pour nous, le seuil de pension minimum est à la hauteur du SMIC.