Qu’en est-il des avantages familiaux et des droits conjugaux qui permettent de compenser en partie les carrières hachées des femmes ( dans le Régime Général comme dans le Code des Pensions ) ?
Seraient-ils améliorés par le projet ?
Les majorations de la durée d’assurance qui attribuent des trimestres ( huit par enfant dans le privé, quatre au titre de la maternité et quatre au titre de l’éducation, ces derniers éventuellement attribués au père, et deux dans le public pour les enfants nés à partir de 2004 pour réduire la décote ) sont supprimées par l’article 44 du projet de loi.
Ce recul serait gravissime pour les femmes.
Un autre dispositif, celui de la bonification de 10 % du montant de la pension pour les parents de 3 enfants et plus ( avec 5 % supplémentaire dans la FP au-delà du 3ème enfant ) disparaît aussi.
Pour remplacer ces dispositifs de solidarité, la fameuse majoration de 5 % du nombre de points acquis au moment du départ à la retraite dès le premier enfant et de 7 % au troisième. Elle serait attribuée à l’un des 2 parents à choisir avant les 4 ans révolus de l’enfant. En l’absence de choix, cette majoration irait par défaut à la mère. Mais elle risque bien de revenir aux hommes qui ont de plus gros salaires en moyenne que les femmes, le choix étant irréversible… alors que les divorces touchent aujourd’hui 45 % des couples !!!
Face à une « dénonciation » assez large, le gouvernement a un peu bougé et introduit des amendements annoncés le 13 février : attribution automatique de 2,5 % de majoration aux femmes au titre de la naissance. L’autre moitié resterait au choix entre les parents, sachant que s’il n’y en a pas, elle reviendrait de droit à la mère.
Autre mesure ajoutée récemment, la majoration des droits familiaux pour les parents isolés dont les enfants ne sont pas en garde alternée. Donc surtout des femmes dans les familles monoparentales. Mais là aussi, aucune précision n’a été donnée sur cette majoration… un des innombrables « trous » dans le projet de loi !!!
Enfin le congé parental pris largement par la mère est validé gratuitement dans le système actuel comme du temps cotisé dans la limite de trois années par enfant. Il serait remplacé par un stock de points gratuits mais dont on ignore les modalités d’attribution et la hauteur.
Encore une fois aucune visibilité sur ces changements !!!
Un autre dispositif serait fortement impacté par la réforme, la pension de réversion : c’est la possibilité de toucher, après le décès de son conjoint ou de sa conjointe une partie de la retraite qu’il percevait ou qu’il aurait perçue.
Elle permet aujourd’hui de ramener l’inégalité entre le niveau de retraites des femmes et celui des hommes à 26 %. En effet, sur 4,4 millions de retraité-es concerné-es, 90 % sont des femmes. 1,1 million de veuves ( parmi les plus âgées ) n’ont que cette réversion pour vivre.
Le mode de calcul prévu dans la réforme serait uniformisé et modifié : quand l’un des deux conjoints décède, la veuve ou le veuf percevrait 70 % du total des revenus du couple. Dans la Fonction publique, 50 % de la pension du défunt est versé à la « survivante », s’ajoutant ainsi à son propre revenu.
Avec ce changement, le revenu de la personne restée seule serait le plus souvent inférieur à la situation actuelle. Pour que la situation future soit plus intéressante pour la survivante, il faudrait que la pension de la personne décédée ait été supérieure à 1,5 fois la pension de la personne veuve… ce qui existe mais n’est pas la situation la plus fréquente dans nos catégories socio-professionnelles.
Dans le projet initial, l’âge pour toucher une pension de réversion était repoussé à 62 ans. Cette proposition a provoqué un tollé. Mais, le retour aux 55 ans ( âge actuel dans le régime général des salariés du privé ) pour toutes ( et tous ) n’est pas une amélioration. Il constitue même un recul pour les retraité.es de la Fonction publique où la condition d’âge n’existe pas.
À l’inverse du système actuel, un divorce faisait disparaître la réversion. Cette régression était d’autant plus préoccupante que les ruptures sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus tardives.
Rien n’était prévu dans le cas où le conjoint a été marié une première fois. C’est cette situation qui serait corrigée par amendement : la dernière épouse toucherait toujours les 70 % de revenus du couple, mais la première percevrait, elle, 55 % de la pension de son ex-conjoint, au prorata du nombre d’années où elle a été mariée avec lui ( prorata déjà existant dans les dispositions actuelles ). Ce droit à proratisation serait fixé sous conditions de ressources, mais elles ne sont pas encore déterminées.
Enfin, dans ce projet, les Pacsés resteraient en dehors du dispositif.
Cette redistribution est favorable aux femmes en termes de ratio prestations/cotisations. Mais elle est fragile et insuffisante face aux inégalités du marché du travail. L’amélioration des diverses « compensations » familiales et conjugales reste nécessaire tant que perdure le système patriarcal sur lequel s’appuie, depuis toujours, le capitalisme.
Dans les cortèges de manifestations, les féministes vêtues façon « Rosie la riveteuse », l’icône américaine, chantent :
c’est la chute des pensions,
pour Fatou et Marion.
À cause de Macron,
grandes perdantes nous serons »
À cause de Macron, partout, par tou·te·s ! + Tutoriel de la chorégraphie & clip par Attac Play sur Vimeo
ELLES ONT RAISON !!!
La réforme systémique que l’on veut nous imposer, nous n’en voulons pas et nous en demandons le retrait pour toutes et tous.
Mais, en même temps, il est indispensable de faire avancer des revendications d’égalité professionnelle femmes-hommes :
- Augmenter le taux d’activité des femmes à hauteur de celui des hommes.
- Imposer l’égalité salariale et exiger des mesures concrètes dans ce sens.
- Imposer la reconnaissance des qualifications dans de nombreux secteurs d’emploi.
- Instaurer une surcotisation patronale sur les temps partiels imposés.
Ces luttes, qui lient vie active et retraite, sont à mener toutes et tous ensemble pour ouvrir, à l’inverse du projet Macron, de véritables perspectives d’égalité et de justice sociale.