1er août 2018

Retraite et Protection sociale

Projet de réforme des retraites - 3

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La réforme des retraites promise par le candidat Macron est lancée. Les syndiqués du SNES-FSU, actifs et retraités, doivent s’en mêler.

L’une des thématiques essentielles dans la consultation porte sur l’âge et les conditions de la retraite.
Le projet de réforme repose sur l’affirmation que certains critères du régime actuel (âge de départ à la retraite et durée d’assurance), fixés par la loi, ne seraient plus nécessaires et que leur maintien est donc soumis à débat. Ainsi apparaît une proposition de totale liberté de choix des salariés qui pourraient partir à la retraite quand ils le souhaitent, en fonction de leur situation personnelle, la décision finale ne relevant que de leur responsabilité individuelle.
Cet article a pour objectif de déconstruire cette escroquerie idéologique qui met aussi en danger notre système fondé sur des repères collectifs à la base de notre pacte social.

Thématique « Prendre sa retraite : à quel âge et à quelles conditions ? »

Extrait du site de la consultation gouvernementale.

En quelques mots :

Dans un système universel où chaque euro cotisé compte pour le calcul de la pension et où les droits sont gérés en points, le maintien de critères d’âge ou de durée d’assurance ne va plus nécessairement de soi. Faut-il conserver des critères de départ à la retraite ?

Constat
Validez ou complétez le constat formulé par le Haut-Commissaire.

« Dans un système universel où chaque euro cotisé compte pour le calcul de la pension et où les droits sont gérés en points, le maintien de critères d’âge ou de durée d’assurance ne s’impose plus. Pourtant, ceux-ci constituent des repères forts. »

Aujourd’hui, la possibilité de prendre sa retraite est soumise à plusieurs critères, qui influent également sur le calcul du montant de la pension de retraite. Ces critères sont nombreux et complexes.

L’âge légal de départ en retraite détermine l’âge minimum à partir duquel il est possible de « faire valoir ses droits à la retraite ». Selon les générations, il s’échelonne de 60 ans à 62 ans.
Il existe cependant des critères permettant de partir plus tôt, avant l’âge légal : une retraite anticipée est ainsi accordée aux personnes ayant eu des carrières longues, à celles ayant eu des accidents de vie ( handicap, inaptitude, invalidité ) ou ayant exercé des métiers reconnus comme pénibles.
À ce critère d’âge s’ajoute dans la plupart des régimes une condition de durée d’activité : pour bénéficier d’une retraite complète, « à taux plein », il faut justifier d’une durée d’assurance suffisante, c’est-à-dire avoir validé un certain nombre de trimestres. Les réformes récentes augmentent progressivement le nombre de trimestres requis, de 160 trimestres à 172 trimestres, en lien avec la progression de l’espérance de vie.
En l’absence de la durée d’assurance requise, le montant de la pension est réduit à proportion des trimestres restant à valider, à quoi s’ajoute une décote ( un « malus » ). Inversement, la validation de trimestres au-delà de la durée d’assurance entraîne une surcote ( un « bonus ). Même en l’absence du nombre de trimestres requis, cette décote est annulée pour les assurés qui atteignent un certain âge qui s’échelonne, selon les générations, entre 65 ans et 67 ans.
Dans un système universel où chaque euro cotisé compte pour le calcul de la pension et où les droits sont gérés en points, le maintien de critères d’âge ou de durée d’assurance ne s’impose plus. Il sera plus facile de connaître sa retraite future en temps réel, en fonction du nombre de points déjà acquis, et
de choisir, en fonction de sa situation personnelle, de travailler plus longtemps ( avec une pension plus élevée ) ou de partir plus tôt ( avec une pension moindre ).

Êtes-vous d’accord avec le constat formulé par le Haut-Commissaire ? Votez et/ou argumentez pour donner votre avis.

D’accord - Mitigé - Pas d’accord


On ne peut pas être d’accord et l’analyse qui suit va tenter de le prouver :

 « Une totale liberté de choix » : pas d’âge de départ à la retraite et pas de durée d’assurance

Beaucoup de garanties légales sur lesquelles repose l’actuel système par répartition deviendraient purement formelles. C’est le cas de l’âge légal de 62 ans pour le départ à la retraite ( et de 67 ans pour le départ sans décote ? ).

Dans le système par points, ces repères tombent automatiquement parce que ce qui compte, ce sont les points accumulés, et seulement eux. La notion de durée disparaît aussi.
C’est le nombre de points qui permet un arbitrage personnel : j’ai assez de points, ma retraite me paraît suffisante, donc je pars. À l’inverse, je n’ai pas assez de points, je reste.

  • C’est une entourloupe.

    Dans de nombreux cas, les salariés seraient incités à travailler plus longtemps ( même s’ils ont toujours effectué des travaux pénibles qui ont réduit leur espérance de vie ) pour gagner un peu plus à la retraite. Étrange résonance à un autre slogan libéral : travailler plus pour gagner plus !
    Chacun est donc censé pouvoir obtenir une retraite décente en choisissant personnellement le moment de son départ à la retraite : un cadre et un ouvrier qui ont un écart de 6,4 ans en moyenne d’espérance de vie, n’ont pas les mêmes capacités de prolonger leur carrière.
    Ces fortes inégalités perdureraient sachant qu’il est trop complexe de créer un dispositif tenant compte des écarts d’espérance de vie entre catégories professionnelles ( aucun des systèmes de retraite à points existant dans le monde ne tient compte de ces écarts ).
  • L’âge de départ à la retraite, la durée de cotisation, font partie de notre Pacte social hérité de la Sécurité Sociale créée en 1945.

    Si le départ à la retraite devient une simple question de choix individuel, alors la conception d’une norme sociale fixant des règles de responsabilité collective vis-à-vis de tous les membres de la société française s’effondre.
    En même temps, la responsabilité des entreprises en matière d’emploi disparaît puisque chacun “ décide ” s’il travaille encore ou s’il se met en retraite, comme les chômeurs qui « choisissent », nous dit-on, de travailler ou de chômer !
  • Ce système dont le véritable objectif est d’assurer l’équilibre budgétaire, se mettrait en place au détriment des assurés et sans débat démocratique :

    Si l’indexation des pensions sur l’espérance de vie et la masse salariale comporte de nombreux dangers pour les salariés, elle constitue en revanche son principal attrait aux yeux des promoteurs de cette réforme systémique et de la baisse de la dépense publique. En cela, la réforme des retraites envisagée s’inscrit tout à fait dans le cadre des recommandations de l’UE et de l’OCDE.
    En effet, dans ce type de régime de retraite, le réajustement annuel de la valeur du point permet de garantir l’équilibre budgétaire du dispositif. Une baisse du total des cotisations perçues, suite par exemple à une forte augmentation du chômage comme celle que nous avons connue ces 10 dernières années, se traduit automatiquement par une baisse des pensions. C’est donc la garantie que le poids des retraites dans le PIB n’augmentera pas.
  • Le caractère antidémocratique d’un tel dispositif doit aussi être souligné.

    Alors qu’actuellement, une réforme des paramètres de calcul nécessite une loi qui est débattue au Parlement, le système à points permet, du fait de ce réajustement automatique, de s’affranchir de cette délibération démocratique.

    Si les mouvements sociaux des 20 dernières années n’ont pas réussi à bloquer les « réformes », ils sont parvenus à poser la question des retraites comme un choix de société  : financer une retraite à 60 ans « coûte » peut être plus cher quand il y a davantage de retraités, mais ce « coût » n’est-il pas supportable dans un pays riche comme le nôtre ? Alors qu’un Français sur 3 aura plus de 60 ans en 2060, n’est-il pas légitime de consacrer une part plus importante du PIB aux retraites ?

    Ainsi ce nouveau système ferait perdre de vue la question de la répartition des richesses produites entre actifs et retraités et, au-delà, celui de la répartition entre travail et capital. Dès aujourd’hui, la part consacrée aux retraites est de 14,2 % du PIB, elle devrait passer à 12,8 % en 2060 alors même que le nombre de retraités augmentera.
  • Quels débats possibles sur cette répartition avec un système individualisé tel que Macron le souhaite ?

    Avec les retraites par points, on casserait un système collectif et solidaire.
  • L’objectif, malgré des discours rassurants, est d’en finir avec un système par répartition, basé sur le financement par les cotisations sociales qui sont du salaire socialisé.

    La Loi PACTE qui vient d’être votée au Parlement entend dynamiser les produits d’épargne-retraite : n’est-ce pas le signe d’un glissement futur vers un régime de retraites par capitalisation, ce pour compléter des pensions qui diminueraient ( ce qui est le cas en Suède ) ?
    Dans le même temps, on apprend aussi dans une interview récente que le gouvernement n’exclut pas un peu de capitalisation, c’est à dire un peu d’épargne individuelle, notamment pour les plus gros salaires : « La question se pose pour les plus gros salaires qui excéderaient un certain plafond ( au-dessus de 120 000 euros de revenus, 160 0000 euros, ou plus. ) » dit Jean-Paul Delevoye. Ainsi les plus riches pourraient s’offrir de belles retraites.

Et derrière ce projet profondément libéral, en embuscade, des fonds de pension anglo-saxons ?!...


Proposition
Pistes de solution


« Pouvoir partir à la retraite quand on le souhaite »

Le système universel doit offrir à chacun une plus grande autonomie : il faut laisser à chacun une totale liberté de décider de son âge de départ à la retraite, en l’informant des conséquences de son choix sur le montant de la retraite.


Ou bien

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« Maintenir un âge minimum pour partir à la retraite »

Il est nécessaire de maintenir un âge minimum à partir duquel on peut partir en retraite. Cela permet d’éviter que des retraités partent trop tôt, avec des pensions trop faibles

Êtes-vous d’accord avec la proposition ci-dessus ? Votez et/ou argumentez pour donner votre avis


Le président de la République a, semble-t-il, déjà tranché en faveur de la seconde proposition. Le projet de réforme des retraites prévoirait de maintenir l’âge minimum de départ à la retraite à 62 ans.
C’est évidemment pour éviter de trop nombreux départs anticipés, qui pèseraient alors lourdement sur les comptes du régime dont l’équilibre serait menacé. Le gouvernement a en tête cette récente étude du ministère du Travail qui montre que les Français sont de plus en plus nombreux à partir à la retraite avant l’âge légal : les départs précoces ont bondi de plus 10 % en 2016. Ce sont surtout des gens qui ont pu partir parce qu’ils avaient commencé à travailler jeunes, dans le cadre des carrières longues.
Qu’en sera-t-il d’ailleurs de ce dispositif ?

Proposition


« Permettre les droits à départ anticipés pour les personnes confrontées à des formes de pénibilité ou de dangerosité de leur activité professionnelle. »

Certaines situations permettent de bénéficier d’un départ anticipé, c’est-à-dire de partir à la retraite avant l’âge légal. Il existe par exemple des dispositifs spécifiques pour des emplois présentant des facteurs de risques particuliers ou occasionnant des fatigues exceptionnelles, ou pour les emplois appelés relevant des « catégories actives ». Les personnes ayant totalisé une durée minimale de service dans ces emplois bénéficient d’un âge légal de départ à la retraite spécifique, moins élevé que l’âge légal de départ à la retraite. Dans le nouveau système de retraite, des droits à des départs anticipés doivent être conservés pour les personnes confrontées à des formes de pénibilité ou de dangerosité de leur activité professionnelle.


  • Quel serait le niveau de ces droits à départ anticipé à la retraite ?

Pour quels types d’emplois, en dehors des « catégories actives » de fonctionnaires, dont les emplois présentent « un risque particulier ou occasionnant des fatigues exceptionnelles » ( surveillants de prison, agents de police, sapeurs-pompiers professionnels etc... ) ?
Aujourd’hui, ces agents qui réunissent dix-sept ans de services actifs peuvent bénéficier d’une pension à jouissance immédiate dès l’âge de 57 ans ( au lieu de 62 ans dans le cas général ) en raison du Code des Pensions civiles et militaires de Retraite.
Quelles seraient les futures conditions dans un système universel qui verrait la suppression de ce Code des Pensions ?

  • Quelle définition des formes de pénibilité de l’activité professionnelle dans le secteur privé ?

La pénibilité se caractérise par une exposition pendant une année complète, au-delà de certains seuils, à un ou plusieurs facteurs de risques pouvant laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé. Elle est définie par des critères liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif et à certains rythmes de travail.
Des risques professionnels ( dont le bruit, les températures extrêmes ou le travail de nuit ) sont identifiés dans les textes.

Depuis le 1er octobre 2017, 6 risques seulement sont reconnus, au lieu de 10 auparavant. Il s’agit d’un recul en termes de droits pour les salariés.

En même temps, le Compte professionnel de Prévention ( C2P ) a été créé en remplacement d’un dispositif existant. Il a pour objectif de permettre aux salariés exposés à ces facteurs de risques de partir plus tôt à la retraite. Les salariés peuvent obtenir jusqu’à 8 trimestres de majoration de retraite pour un départ anticipé. La demande ne peut être faite qu’à partir de 55 ans.
Depuis le 1er Janvier 2018, le financement du C2P est assuré par la branche Accidents du Travail et Maladies professionnelles de la Sécurité sociale qui apparaît comme excédentaire.
Ce changement radical du mode de financement du Compte professionnel de Prévention permet de supprimer purement et simplement les cotisations Pénibilité ( de base et additionnelle ) pour toutes les entreprises.
Le patronat voit cela d’un très bon œil !

Il s’agit là de l’une des mesures-phares de la réforme par ordonnances du Code du Travail mise en œuvre par Macron. Augure-t-elle de l’esprit de la future réforme des retraites ? On peut le penser.


On peut aussi légitimement s’interroger sur les dispositifs spécifiques de reconnaissance et de compensation de la pénibilité des régimes spéciaux de retraite ( qui devraient disparaître avec la réforme ). Certains droits risquent d’être remis en cause ( cf. la réforme de la SNCF et la « bataille » des cheminots sur leur statut ).

Tous ces débats vont être difficiles et certaines « solutions », présentées comme des avancées, pourraient ne pas l’être du tout.

Aussi informer et former sur ces questions est de la responsabilité des organisations syndicales.
Le SNES-FSU s’y engage résolument.


Pour récapituler rapidement, voir la présentation de cette réforme par Serge Faubert ( grand reporter au Média ) et Julien Rivoire ( membre du bureau d’ATTAC / responsable SNESup-FSU ) :


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Actifs, futurs retraités et retraités,
cette réforme n’est pas inéluctable !


    • Pour mieux comprendre les mécanismes de la baisse programmée des pensions, la dégradation des dispositifs de solidarités sociales et familiales ( en particulier sur les pensions féminines ), la casse du Code des Pensions de la Fonction Publique, etc…
    • pour connaître et faire avancer nos propositions alternatives sur un véritable système solidaire,
    • pour combattre ensemble, actifs et retraités, ce projet de refonte radicale de notre système de retraites et le mettre en échec,

      la commission Actifs-Retraités de la section académique du SNES-FSU
      vous invite à participer au colloque ( ouvert à tous, syndiqués et non syndiqués
      )

      PROJET DE RÉFORME DES RETRAITES

      qu’elle organise

      le Jeudi 18 octobre 2018, de 9 h à 17 h,

      à la Bourse du Travail de Grenoble,

      avec la participation de Benoît TESTE, secrétaire général adjoint du SNES-FSU
      et de Henri STERDYNIAK, des Économistes Atterrés ( Université Paris IX-Dauphine )



      Inscrivez-vous auprès de la section académique du SNES-FSU ( s3gre@snes.edu ) et pensez à déposer très rapidement au secrétariat de votre établissement, une demande d’autorisation d’absence ( avant le 18 septembre, pour qu’elle soit de droit. En voir les modalités ici ).